mardi 30 novembre 2010

Laure Malécot:« Les journalistes culturels sont aussi des critiques”


Animatrice d'un atelier de formation sur le journalisme culturel, elle explique que , dans le cadre de la 18ème édition des Retic. Elle parle des qualités d'un bon professionnel.

Qu'est-ce que le journalisme culturel?

C'est une forme de journalisme très particulière qui emprunte un peu au journalisme d'investigation parce qu'il faut être curieux, savoir enquêter pour chercher l'orginine de l'inspiration d'un artiste, d'où il est originaire, dans quel contexte il a vécu. Il y a un peu du journalisme politique là dedans aussi, parce qu'un artiste exprime toujours la situation politique d'une société. Pour bien comprendre ce qu'il fait ou dit, il faut absolument se renseigner sur la situation du pays d'où il est originaire.
Quelle différence entre le journaliste culturel et le critique ?
Je ne fais pas vraiment de nuances entre le journaliste culturel et le critique, mais je dirais que le critique analyse une œuvre pour aider l'artiste à réfléchir sur son travail, alors que le journaliste culturel est plus axé à donner l'information au public. Mais en gros, les journalistes culturels sont aussi des critiques.
Quel est le rôle du journaliste culturel?
Il est vital, c'est un pilier du milieux culturel. C'est grâce à lui que le travail des artistes est connu par le public. Cela permet au quelqu'un qui ne peut pas y aller à un spectacle, par exemple, de suivre la vie culturelle de son pays, de pouvoir réfléchir et appréhender ce qui se passe. C'est aussi un élément de réflexion pour les artistes.
Quelles sont les qualités à avoir?
La passion, la curiosité, l'intégrité et l'éthique. Si on a ces quatre qualités, le reste vient ensuite. C'est la patience, le courage, le gout du sacrifice, parce que si on veut vraiment faire ce métier, on doit pouvoir sortir le soir. Cela veut dire qu'il faut avoir une vie privée pas très envahissante.
Y a-t-il des pièges à éviter?
Oui. La tentation de l'opportunisme et l'égocentrisme. A force de côtoyer les artistes, on peut se tromper.
Justement, la familiarité entre les artistes et le journaliste culturel n'interdit-il pas l'objectivité?
Je ne cois pas. Si on aime vraiment les artistes, on a envie de les aider. Et les aider c'est pas dire tout le temps que c'est bien ce qu'ils font, c'est garder un oeil critique sur leur travail. Cependant, il faut savoir dire les choses, car, les artistes sont très sensibles.
Propos recueillis par S.D.

lundi 29 novembre 2010

Le Festival mondial des arts nègres se prépare

Le Brésil est l'invité d'honneur de cette 3ème édition qui se tient du 10 au 31 décembre 2010 au Sénégal.

Pour cet événement culturel majeur qui coïncide avec l'année où 14 pays africains célèbrent le cinquantenaire de leur indépendance, Abdoulaye Wade, le président sénégalais, a confié l'organisation à l'Union africaine. D'après le comité d'organisation, le festival 2010 porte la vision d’une Afrique libérée, fière, créative et optimiste. Il a pour invité d'honneur le Brésil, terre de métissage et de diversité culturelle. Le Fesman, dont l'accès est gratuit, sera l’occasion de redécouvrir l'héritage africain de ce pays d'Amérique du Sud. Toutes les disciplines artistiques y seront représentées : littérature, arts plastiques, danse, théâtre, cinéma, architecture, gastronomie...

Initiée par le président Léopold Sédar Senghor, la première édition du Festival mondial des arts nègres s’est tenue en 1966 à Dakar pour célébrer les cultures noires. Son but était de « permettre au plus grand nombre possible d’artistes noirs, ou d’origine noire, de se faire connaître et de se faire aimer par un auditoire aussi vaste que possible dans un climat de tolérance, d’estime mutuelle et d’épanouissement intellectuel». Pour Senghor, l'un des chantres de la négritude, il devait servir à réaffirmer la noblesse des cultures africaines. « Il a permis de rendre visibles et palpables les années de reconquête de la dignité des peuples noirs sur une terre d’Afrique restituée depuis peu aux Africains », lit-on sur le site officiel du festival. En 1977, le Nigeria a accueilli la seconde édition, avec le même objectif. 33 ans après, la troisième édition retourne au Sénégal. Prévu l'année dernière, le Fesman avait été reporté.

Source : blackwordfestival.com


Les gens : Landry Mbassi en transit


« 5phonie pour transit », c'est le titre de la nouvelle création de Landry Mbassi. Le plasticien va la présenter le 1er décembre à 19h à l'Institut Goethe, dans le cadre de son traditionnel Café de l'art. Le projet qui en est à sa première phase est inspiré d’une expérience personnelle de son auteur, des conceptions que l’on peut se faire de soi-même, de l’immigration clandestine, mais aussi des voyages qu'il a effectués récemment. Landry Mbassi exprime, à sa façon, l’idée que « nous sommes tous des entités clandestines et nécessairement en transit sur cette terre ». Sa création utilise le slam, la vidéo, l’installation et les lumières pour, tantôt sublimer, tantôt interroger la dimension matérielle du corps.

Les gens : Landry Mbassi en transit

« 5phonie pour transit », c'est le titre de la nouvelle création de Landry Mbassi. Le plasticien va la présenter le 1er décembre à 19h à l'Institut Goethe, dans le cadre de son traditionnel Café de l'art. Le projet qui en est à sa première phase est inspiré d’une expérience personnelle de son auteur, des conceptions que l’on peut se faire de soi-même, de l’immigration clandestine, mais aussi des voyages qu'il a effectués récemment. Landry Mbassi exprime, à sa façon, l’idée que « nous sommes tous des entités clandestines et nécessairement en transit sur cette terre ». Sa création utilise le slam, la vidéo, l’installation et les lumières pour, tantôt sublimer, tantôt interroger la dimension matérielle du corps.

vendredi 26 novembre 2010

Roméo Dika : “Ama Tutu Muna a du respect pour moi”



Auteur-compositeur, arrangeur et producteur, Roméo Dika est né 1964 à Abidjan en Côte d'Ivoire. Le 11 décembre 2010, il organise un concert au palais des sports de Yaoundé pour célébrer ses 25 ans de carrière. Nous l'avons rencontré dans son studio sis au quartier Tsinga à Yaoundé. Il parle de ses débuts, des droits d'auteur, de ses démêlés avec le ministère de la Culture et de ses rapports avec la politique.

Roméo Dika
Vous célébrez vos 25 ans de carrière en décembre prochain. Pourquoi faire un arrêt maintenant?
Ce n'est pas un arrêt. Un arrêt veut dire qu'on est arrivé à l'apogée. Moi, je suis au début, j'essaie, à chaque étape, de faire le point. 25 ans de carrière, c'est une opportunité assez rare, surtout dans nos pays à forte paupérisation financière et culturelle. Avec la grâce de la providence, j'ai la chance d'atteindre 25 ans, pas dans l'anonymat. C'est aussi pour moi l'occasion de remercier le public qui, depuis tant d'années, m'a toujours gardé dans son cœur.

Quel le programme de cette célébration?
Le programme a été marqué déjà avec la sortie de mon nouvel album “You and me”, au mois d'août. Nous allons avoir une conférence de presse dans la période du 8 décembre, nous allons débattre entre nous, artistes, pour trouver les voies et moyens d'exposer aux pouvoirs publics notre vision de l'avenir de l'industrie culturelle et musicale au Cameroun. L'apothéose, c'est le 11 décembre au palais des sports de Yaoundé. Le concert commence à 20h00. On n'attendra personne. Les billets seront vendus à partir du 1er décembre par des hôtesses dans la rue, à nos bureaux à Tsinga et dans des supermarchés. Il y a des billets de 2500 francs. Les billets de 5000 francs donnent droit à un Cd de Roméo Dika. Ceux de 10 000 francs donnent droit à deux Cds: un de Roméo Dika, un autre de Mango ou de Claudia Dikosso.

Qui sont les artistes invités?
Moi-même, d'abord. Pour la première fois, je serai sur la scène à Yaoundé. Nous allons pouvoir revisiter mon reportoire, qui est riche de 10 albums, presque 120 titres. Il y aura Nkotti François et Salle John. Ils sont, avec Toto Guillaume, ceux que je considère comme mes parrains dans le domaine de la musique au Cameroun. J'aurai à mes côtés une amie de très longue date, Monique Séka, de même que AïJo Mamadou, Ntoumba Minka, Mango, Devis Mambo, Claudia Dikosso, Patou Bass, Mathematik de Petit Pays, Majoie Ayi, Abanda Kiss Kiss et le nouveau phénomène de la musique au Cameroun, Guy Watson.

Parlons de vos débuts. Comment êtes-vous arrivé dans la musique?
J'ai commencé au lycée de Manengouba. A l'époque, la culture semblait être le fondement de notre processus de développement. Dès le plus bas âge, la jeunesse était imprégné de deux choses: la culture et le sport. Au lycée de Manengoumba, on avait l'avantage d'avoir des instruments de musique; c'était au début des année 70. Par la suite, j'ai commencé à faire de petits cabarets à Douala et Nkongsamba. Je suis allé ensuite au Nigeria. Du Nigeria, je suis retourné en Côte d'Ivoire, où vivait mon père et où je suis né. Là-bas, j'ai joué avec l'orchestre de mon père, qui faisait beaucoup plus dans la musique classique, le jazz, ce qu'on appelait la musique intellectuelle. J'ai intégré l'orchestre les Zyglibithiens de feu Ernest Djedje, qui était l'une des méga-stars de la musique ivoirienne à cette époque. J'ai tourné avec lui une année, et lorsqu'il est décédé à Ouagadougou, j'ai décidé de partir en France.

Où vous êtes entré au conservatoire...
En France, un aîné, Toto Guillaume, me conseille d'aller au conservatoire pour apprendre la théorie musicale, parce qu'il sentait qu'au-delà de chanter, je pouvais aussi aider les carrières des autres. C'est comme cela que je suis entré au conservatoire de la Croix de Chavaux à Montreuil.

Quand arrive votre premier album ?
Le premier album dans lequel on entend ma voix ne porte pas mon nom, mais celui de Jules. C'est un artiste ivoirien qui, arrivé en studio, n'a pas pu chanter. J'ai posé la voix sur l'ensemble de titres et l'album a très bien marché en Côte d'Ivoire. C'était en février 1985. La même année, François Missè Ngoh arrive pour enregistrer. Je suis invité à interpréter un certain nombre de titres sur son album. Vers la fin de l'année 1985, je sors un album avec un groupe nigérian, comme compositeur et arrangeur. C'est en 1987 que je réalise mon premier titre solo.

En 1987, vous lancez le label DRI production...
DRI production est lancé en 1986, sous le nom de Avant-garde production. On ne savait pas qu'en France, la culture était très bien suivie. A la fin des années 86, nous avons eu les impôts derrière nous et nous avons changé d'appellation pour Dika Record International production, le 20 novembre 1986. Le premier disque que je produits sous ce label est celui de Barbara Akabla, qui, à l'époque, est une jeune chanteuse ivoirienne.

Plus tard, vous vous êtes offert un studio d'enregistrement...
J'ai fait un studio d'enregistrement ici à Yaoundé, à Elig-Essono, dans les années 97. Vivant à l'étranger à l'époque, j'ai confié les choses aux gens qui ne les ont pas bien gérées. Maintenant, le studio est installé à Tsinga.

En 2001, vous êtes élu vice-président de la Fédération internationale des musiciens et démissionnez quelques années après. Pourquoi?
Je suis devenu d'abord membre du comité exécutif de la Fédération internationale des musiciens en 1988. Je suis élu par la suite au poste de vice-président international à la Havane, à Cuba. J'ai démissionné en 2005 parce que je voyageais trop, je n'avais pas le temps d'organiser ma famille. Mon fils est né entre-temps, je voulais m'en occuper un peu plus. Par ailleurs, dans les organisations internationales, il y a un certain nombre de pressions auxquelles je ne voulais pas me soumettre. Je suis un homme de principes. Or, à un certain moment, il faut faire des compromissions. J'ai pris un peu de recul, mais, je suis toujours dans les instances de la fédération, qui s'occupe des questions liées à la propriété intellectuelle, à la défense des intérêts des auteurs.

Vous avez été secrétaire général de la défunte SOCINADA. Quel regard portez-vous sur la gestion des droits d'auteurs au Cameroun?
J'ai l'impression qu'on fait une confusion. Quand on utilise le mot gestion, cela renvoie immédiatement à l'argent. Or, on gère un patrimoine qui est immatériel, c'est son exploitation qui produit un certain impact qu'on transforme en numéraire. Lorsqu'aujourd'hui vous voyez la plupart d'entre nous squelettiques, croulants sous la maladie, incapables de se soigner, on n'a pas besoin de parler. A l'époque de la Socinada, mon salaire était de 75 000 francs le mois, celui du président du conseil d'administration était de 175 000 francs. Nous sommes très loin de cette réalité aujourd'hui, où les présidents [de conseil d'administration] touchent un million de francs. L'histoire seule répondra un jour.

Mais je peux dire que le destin de l'ex-Socinada a été une conspiration entre les acteurs qui étaient sensés animer l'action de politique culturelle nationale. Cela a été le plus beau gâchis en matière de gestion de droits d'auteur pour toute l'Afrique. La Socinada était un projet pilote de l'Unesco, qui est devenu une référence. On avait eu une subvention de 200 millions de l'Unesco pour la construction du siège et des agences de l'ex-Socinada, les gens au ministère ont voulu gérer ce pactole qui arrivait.

Aujourd'hui, quels sont vos rapports avec la Socam?
J'ai fait adhérer DRI production et moi-même à la Socam. Elle évolue dans un environnement assez confus, nous observons.

Vivez-vous de votre art?
Je ne me plains pas. Après l'ex-Socinada, j'ai été banni du ministère de la Culture pendant 10 ans, on m'avait interdit d'y accéder. J'ai vécu cela la mort dans l'âme. Même au sein des sociétés de gestion collective où on exploitait mes œuvres, on ne me payait pas. C'est lorsque le Pr Magloire Ondoa est désigné président de la Commission permanente de médiation que, finalement, on va me payer. Il y a des moments où on m'a payé 2911 francs de droits d'auteur ici au Cameroun, avec tout le répertoire que j'ai et tous les artistes que j'ai produits. Mais comme je ne vis pas de cela, je ne fais pas de polémique. Je pense que le plus important, c'est que les choses marchent. 

On espère que le gouvernement va mettre la force qu'il faut pour que les artistes vivent de leur art, en amenant les usagers à s'acquitter du paiement de leurs droits. Aujourd'hui, on a beau accuser Odile Ngaska, la situation reste que quand on vous empêche de percevoir, vous ne pouvez pas payer les droits. Les produits contrefaits circulent librement. Si on n'arrête pas cela, comment voulez-vous que les artistes vivent de leur art? Quand vous organisez un évènement, tout le monde vous demande d'offrir les billets, d'offrir les Cds. Comment des gens qui travaillent peuvent quémander encore auprès des artistes qu'ils considèrent déjà comme des pauvres?

Vous avez évoqué le fait que vous avez été banni du ministère de la Culture pendant 10 ans. Que s'était-il passé?
A l'époque, il valait mieux encaisser que parler. Je suis quelqu'un de nature assez directe. On avait estimé, à l'époque, que j'avais dit des vérités à l'endroit de certains responsables du ministère. Il fallait tout mettre en œuvre pour me casser. Malgré tout ce que j'ai pu faire pour la musique camerounaise, c'est 25 ans après que j'ai été invité par le ministère pour chanter lors de la célébration du cinquantenaire. Pour vous dire vrai, cela m'a surpris moi-même. Et je suis content que cela soit arrivé sous Ama Tutu Muna.

Pourquoi?
Simplement parce que je la considère comme une soeur et parce que c'est une femme. Sans flagornerie aucune, je suis l'auteur-compositeur qui a composé le plus de grands succès dans les albums des autres artistes. Quand on parle de Grace Decca aujourd'hui, on ne peut pas oublier que c'est ma chanson, “Compréhension” qui l'a révélée au plan international. J'ai fait les Julia Young, Annie Anzouer, Chantal Ayissi, Sala Bekono... Si le Cameroun compte 100 artistes, il y en a au moins 80 qui ont interprété une mesure d'un texte ou d'une musique de Roméo Dika. 
Je n'ai pas besoin de revendiquer ces choses, c'est la nation qui devait m'être reconnaissante pour le travail que je fais pour le patrimoine culturel. J'ai été très meurtri, parce que, même sur le plan politique, aucun artiste camerounais n'a posé les actes que, moi, j'ai posés pour le régime Biya. C'est moi qui suis l'initiateur du contact entre les artistes et les politiques en 1992, au plus fort de la crise. J'ai mobilisé plus de 200 artistes de renom pour soutenir le président Paul Biya. En 1997, j'étais encore dans la campagne. En 2004, j'étais parmi les deux personnes qui pouvaient faire signer un document à Joseph Charles Ndoumba, secrétaire général du Rdpc.

Vous étiez son secrétaire particulier...
Nous étions les penseurs. Si 25 ans après je n'ai pas la reconnaissance du ministère de la Culture, dont le ministre est membre du Rdpc comme moi, qui d'autre l'aura? Je pense que tout a été rétabli aujourd'hui.

Est-ce à dire qu'aujourd'hui, vos rapport son bons avec le ministère de la Culture?
Mes rapports sont bons avec le ministre de la Culture. Ama Tutu Muna a du respect pour moi, mais je pense qu'il y a des personnes parmi ses collaborateurs qui n'apprécient pas trop cela. Ce qui m'intéresse, c'est que le ministre ait pu m'écrire pour me féliciter pour mon œuvre durant 25 ans et me donner son accord pour parrainer la célébration de cet anniversaire. Cela efface complètement toutes les humiliations que j'ai pu vivre. Je suis à l'heure de la célébration, je voudrais rester en joie, mais j'attends que cela se concrétise. Il y a des gens qui n'ont même pas eu 10 ans de carrière et qui ont reçu la médaille de l'ordre national de la valeur. Moi, j'ai représenté le Cameroun dans le monde entier, et c'est moi qui finance la célébration de mes 25 ans de carrière.

Vous tendez la main?
Non, je ne tends pas la main. Ce qui m'intéresse, au-delà de l'argent, c'est la reconnaissance, par un titre de chevalier de l'ordre national de la valeur. Il y a des choses que je ne devrais pas demander.

Sur le plan politique, allez-vous, une fois de plus, rentrer dans la campagne présidentielle en 2011?
Je suis un homme de conviction, je n'ai pas soutenu le président Biya parce qu'on m'a donné de l'argent. En 2004, le secrétaire général du Rdpc m'a fait mobiliser les artistes, pour un coût de 90 millions de francs, qu'on ne m'a pas payés jusqu'aujourd'hui. Cela aurait pu me pousser ailleurs, mais j'ai adhéré au Rdpc par conviction. J'ai été intéresse par l'idéal du parti. A cela s'ajoute l'affection que j'ai pour le président Paul Biya, dont la ligne idéologique n'a jamais changé.

Qu'est-ce que la musique peut apporter à la politique et vice-versa?
Depuis 1992, j'ai fait en sorte que le Rdpc utilise la musique comme un instrument d'action politque, qu'à travers la musique, on porte des actions vers les populations. Les hommes politiques paient pour se faire entendre des populations lors des meetings. Mais ces populations paient pour écouter les artistes. Il faut que les politiques sachent qu'en impliquant les artistes, ils donnent un autre impact à leur campagne. Il faut aussi que les artistes sachent que leur destin est tributaire de la société dans laquelle ils vivent, laquelle société est entre les mains du politique.

Deux musiciens camerounais sont en ce moment en prison. Quelle est votre réaction sur le cas Longuè Longuè d'abord?
Longuè Longuè est un petit frère qui m'a toujours marqué beaucoup de respect et d'affection; en retour, je me dois de lui marquer beaucoup de compassion dans la situation difficile dans laquelle il se trouve. Si j'étais président [de la République[, j'aurais déjà tout fait pour qu'il vienne purger sa peine ici. Mon souhait le plus profond c'est que sa femme lui pardonne, quelle que soit la douleur. Il y a des gens qui peuvent poser des actes de manière inconsciente, mais il faut savoir pardonner. Je souhaite aussi qu'une fois sorti de prison, Longuè développe beaucoup d'humilité, de modestie.

Sur le cas de Lapiro de Mbanga?
Deux mois avant qu'il ne soit arrêté, Lapiro est allé dans les médias pour m'accuser d'avoir volé l'argent de l'ex-Socinada pour financer la campagne de Paul Biya. Lui-même, il porte le germe de sa propre destruction. Mais ce n'est pas une raison pour que j'accepte qu'il soit en prison, s'il n'a pas fait de faute. En tant qu'artiste, Lapiro est un personnage assez engagé, qui peut nous aider à impulser un certain nombre de choses. Je voudrais appeler les artistes à se mobiliser pour que la situation de Lapiro puisse trouver une solution politique.

Sur un plan plus privé, vous avez été en couple avec trois musiciennes: Coco Mbassi, Chantal Ayissi et aujourd'hui Mango...
Je voudrais répondre très calmement et dire aux Camerounais qu'il ne fait pas bien de toujours développer des reptations. Je suis content que les gens s'intéressent beaucoup à ma vie, et qu'on me classe dans la catégorie de tombeurs de femmes que tombeur d'autre chose. Je réponds simplement que, pour le moment, je me suis marié à Mango. Les autres noms qu'ils citent n'engagent qu'eux. Je peux confirmer que Chantal Ayissi a été mon épouse, pour le reste, je connais pas.

Parlant de femmes, on constate que vous travaillez beaucoup avec elles, est-ce délibéré?
C'est un choix. Au début de ma carrière, j'ai travaillé avec beaucoup d'hommes et je me suis rendu compte que les hommes sont très bornés et braqués. Quand un auteur-compositeur arrive avec son oeuvre, il ne permet pas que quelqu'un d'autre lui fasse une réflexion, tandis que les femmes sont flexibles et ouvertes.

Après 25 ans, quel regard jetez-vous sur l'évolution de votre carrière?
Je remercie le seigneur parce qu'il m'a accordé la capacité de travailler. J'ai beaucoup travaillé pour ne pas être parmi les médiocres, et dans un esprit de partage.

Comment voyez-vous l'avenir de la musique camerounaise?
L'avenir de la musique camerounaise, je le vois en peu comme la vie. Il y a le temps de la naissance, de la maturation et ensuite du déclin. Le Cameroun a connu tous ces cheminements. Nous sommes arrivés au sommet. Les années 90 sont arrivées avec la politique qui a divisé les Camerounais et apporté le tribalisme. La misère dans laquelle nous sommes en train de vivre aujourd'hui amène les uns et les autres à réfléchir. Si on arrive à une répartition des rôles entre les producteurs, managers, chanteurs et autres, je pense que la musique camerounaise a un très bel avenir, elle connaîtra une résurrection. Il faut aussi que certaines sociétés qui organisent des concours arrêtent un peu la tricherie. On ne peut pas comprendre que, dans certains concours, les gens gagnent alors que le jury même est constitué de gens qui n'ont pas la compétence technique nécessaire pour juger les candidats.

Parlant de tricherie, que pensez-vous des awards décernés eaux artistes? L'année dernière, il y a eu beaucoup de contestation...
Le Cameroun ne s'élèvera jamais tant qu'on sera dans une logique de magouille. Je prends l'exemple d'un jeune comme Guy Watson, dont la chanson est jouée dans tous les bistrots, mais vous verrez qu'il n'est pas dans le hit parade. Je n'ai pas besoin de tourner ma langue dans la bouche pour dire qu'il y a tricherie. Les gens ne doivent pas être contents d'acheter des prix. Quel est ce pays où chaque radio, chaque animateur, a son hit parade? Dans certaines radio, il y a même deux ou trois hits parades!

Quels sont vos vœux pour 2011?
Que la culture devient le fondement de notre processus de développement. Au plan international, la culture est l'un des vecteurs de la relance de l'économie, les États-Unis nous le démontrent chaque jour. Nous avons un important patrimoine culturel inexploité. Il faut qu'on puisse s'assoir autour d'une table et discuter pour trouver des voies et moyens pour permettre aux acteurs culturels de vivre de leur art, et que cet art soit un élément fondamental de la relance de notre économie. Au plan politique, je souhaite que les Camerounais s'inscrivent massivement sur les listes électorales pour exercer leur devoir et droit de citoyen. Que tous les démons de la haine et de la division soient étouffés par le saint-esprit, afin qu'ils ne puissent pas créer des conditions de tension au Cameroun.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

jeudi 25 novembre 2010

Patrick Noukpo : « Ferdinand Léopold Oyono a été un prophète »


Comédien et metteur en scène béninois, il a adapté au théâtre les trois romans de Ferdinand Léopold Oyono. Ses pièces sont jouées à Yaoundé dans le cadre des Rencontres théâtrales internationales (Retic) qui, cette année, rendent hommage à l'écrivain décédé en juin 2010.


Pourquoi avoir choisi de travailler sur les œuvres de Ferdinand Léopold Oyono?

J'ai été épris de ses ouvrages, du comique avec lequel il les a écrits, alors qu'il parle de sujets assez poignants. Au-delà de cela, j'ai constaté que, de plus en plus, les jeunes ne lisent pas, même lorsque les ouvrages sont au programme scolaire. Je me suis dit qu'adapter ces textes au théâtre, c'est une façon de les inciter à la lecture. Le fait de découvrir ces livres sur la scène peut les motiver à aller vers la lecture. J'ai aussi été touché par les thèmes qui sont abordés dans les livres d'Oyono.

La colonisation?

Je ne m'intéresse pas à la critique de la colonisation. Ce sujet n'est plus d'actualité, il ne sert à rien de retourner le couteau dans la plaie. Il est plutôt question aujourd'hui de regarder l'avenir en face, pour savoir comment nous avons géré nos indépendances. D'autres critiques qu'il a faites dans ses livres restent d'actualité. C'est clair qu'aujourd'hui, les jeunes veulent partir, comme si chez nous, il n'y a vraiment rien à faire. Mais on ne doit pas croire que chez les Blancs, il fait toujours bon vivre. C'est pour toutes ces raisons que j'ai décidé de travailler ces classiques qui sont déposés dans la grande bibliothèque universelle par Ferdinand Oyono. Paix à son âme.

Vous êtes Béninois, comment avez-vous découvert cet auteur camerounais?

La littérature est universelle. A l'école, j'avais écrit une dictée extrait d' « Une vie de boy ». Mon maître m'a demandé si j'ai lu ce roman. Je ne savais même pas ce qu'est un roman. Une fois à la maison, j'ai demandé à mon père de me procurer le livre. Dès cet instant, je me suis dit qu'il fallait que je prête ma voix à ce monsieur-là, que je l'aide à faire passer ce message. Si j'avais eu plus de moyens, j'aurais fait de films de ses livres, car, Oyono a été un prophète. Je l'ai rencontré l'année dernière, à l'occasion des Retic. On en a discuté, il était très content. Il avait même promis qu'il sera là cette année, mais la nature en a décidé autrement.

Quand avez-vous adapté chacune de ces œuvres ?

Nous [la compagnie Oshumare] avons adapté « Le vieux nègre et la médaille » en 2005. La mise en scène a été faite en 2006. « Une vie de boy » a été adaptée en 2008-2009, et « Chemin d'Europe » il y a à peine deux mois. Ce sera la première représentation [vendredi, 19h à l'hôtel Hilton de Yaoundé].

Toutes ces pièces sont des monologues...

Dans nos pays, la création souffre d'un manque de moyens. On n'a pas toujours les moyens pour appeler les comédiens lorsqu'on n'a pas un fonds de création. Aussi, j'ai décidé de porter tout en moi, c'est un challenge que je me suis lancé.

Comment réussissez-vous à mettre en scène tous les personnages que compte la pièce?

Passer d'un personnage à l'autre, avec la voix, la démarche, les mimiques, ce n'est pas facile. Il faut avoir une personnalité d'acteur. Il faut aussi que les gens qui travaillent avec vous prennent la peine de connaître ces personnages, de lire le texte.

Sur scène, vous dites le texte avec un débit assez rapide. Est-ce délibéré?

Le débit dépend de l'interprète. C'est aussi relatif au rythme, à la respiration du texte. Il n'est pas linéaire, il monte et il descend, il donne une certaine musicalité au texte. C'est de cette manière que je peux apporter le roman autrement.

Cela a-t-il été difficile d'adapter les romans d'Oyono?

Évidemment, oui, cela été difficile de raconter ces romans en 60 minutes ou 1h30 sur scène, sans les dénaturer. Pour le faire, il faut aimer la lecture, il faut savoir disséquer un texte. C'est un travail fou, mais plaisant.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

mardi 23 novembre 2010

Aladji Touré : « Il y a des tintins dans le makossa aujourd’hui »


A l’occasion de la célébration de la célébration de ses 30 ans de carrière en avril 2010 à Yaoundé et Douala, le célèbre bassiste nous à accordé une interview. Elle a précédemment parue le 2 avril dans le quotidien Le Jour à Yaoundé.


Vous célébrez vos 30 ans de carrière, pourquoi faire un arrêt
maintenant ?

Pour moi, c’était le moment. Après avoir donné autant, il a fallu que je me fasse plaisir, que je réunisse des amis pour qu’on fasse une fête, 30 ans après. Je présente par la même occasion mon premier album de 12 titres, intitulé « New face». Mais en fait, c’est mon réel visage.

Quel est ce réel visage ?
C’est cette sensibilité que j’ai et qu’on découvre dans ma musique. Les gens m’ont toujours écouté à travers les autres, comme bassiste qui accompagne un chanteur ou comme arrangeur qui arrange les morceaux des autres. Mais là, c’est moi, c’est mon inspiration et ma sensibilité que je mets à la disposition du public. Et c’est pour cela que les gens qui me cataloguaient comme musicien bassiste de makossa sont surpris d’écouter cet album, car ils pensaient que je ne faisais que du makossa. Je leur explique que ce n’est pas moi qui fais le makossa, je travaille simplement sur les albums des gens qui font du makossa.

Quel est le programme de cette célébration ?

Je donne une conférence de presse à Douala le 13 avril. Tous les musiciens seront déjà là : Richad Bona, Guy Nsanguè, Toto Guillaume, Jean Dikoto Mandengue, Henri Dikongue, Ekambi brillant, Prince Eyango, Dina Bell et Ebeny Wesley qui est le batteur de l’équipe nationale du makossa. Ce sont les principaux invités. Le 14 avril, je dédicace l’album au Cabanon, un cabaret de jazz à Bonapriso à Douala. Le lendemain, on aura une soirée dédicace au cabaret La Réserve à Yaoundé. Je vais jouer quelques morceaux, juste pour donner un avant-goût. Le 16 avril, je vais donner un concert avec tous mes invités au palais des congrès de Yaoundé et le 17 avril à Douala Bercy.

Vous serez entouré de bassistes camerounais qui sont assez sollicités à l’international. Qu’est-ce qui fait la particularité de la basse camerounaise ?

Le Cameroun est une vraie pépinière de bassistes, on ne peut pas parler de la basse en Occident sans parler des bassistes camerounais, qui occupent une place assez importante dans la musique internationale aujourd’hui. C’est quelque chose qui est difficile à expliquer, je pense qu’on a eu de bons exemples. Nous avons une diversité de rythmes folkloriques et nous jouons la basse comme un instrument rythmique, en y ajoutant les mélodies et les harmonies occidentales. Au niveau du jeu aussi, les bassistes camerounais ont une sonorité très percutante et cela fait toute la différence.

Votre album est prêt, quand va-t-il sortir?
L’album sera mis sur le marché le 14 avril prochain. Mais en prélude à cet album, un single de deux titres, Renaissance et Ison, est sorti il y a quelques mois, de même qu’un Dvd qui est un extrait d’un concert que j’ai fait en Allemagne. A la suite de ce concert, il y a un hommage que des artistes me rendent: Richard Bona, Ekambi Brillant, Richard Mbappé et Petit Pays, l’un de mes filleuls.

Comment avez-vous réussi à concilier les divers rythmes que l’on retrouve dans cet album ?
Il y a du jazz, du bikutsi, du mangambeu, du makossa, des rythmes folkloriques bafia, le bolobo, la mazurka et même des rythmes caribéens. Je n’ai même pas fait exprès, c’est venu de toutes les influences musicales que j’ai eues en côtoyant différents musiciens du monde. J’ai quand même roulé ma bosse en Afrique, en Amérique latine, aux Etats-Unis, en Europe.

Pourquoi faire un album totalement instrumental?
J’ai remarqué que dans les pays occidentaux, les gens écoutent les musiques sans voix. Chez nous au Cameroun, en Afrique en général, personne n’a pensé à faire un album complètement instrumental. Je crois que les musiciens sont lésés parce qu’on ne fait pas attention à eux, alors que c’est eux qui font tout le boulot, qui rendent le produit beau. Prenons l’exemple de… disons Charlotte Dipanda, elle est d’actualité. Si elle est sur scène avec ses musiciens, à 98%, les gens vont avoir le regard fixé sur elle, parce que c’est elle la tête d’affiche. Lorsque l’album est chanté, les gens ne se focalisent que sur la voix, même s’ils savent qu’il y a quelque chose derrière. Or, c’est ce quelque chose qui donne le ton. Moi, je ne mets que de la musique avec une mélodie qui joue le rôle du chanteur et là, les gens commencent à faire attention et se rendent compte qu’on peut faire la musique sans la voix. Je vais être sur scène bientôt. Aladji Touré, d’accord, mais il n’y aura pas forcément un Aladji Touré qui est devant. Je dirige mon orchestre mais chacun a un rôle et on va faire attention aux différentes interventions. Cela permet aux gens de connaître les différentes sonorités. A travers cet album, les gens vont commencer à faire la différence entre un son de violon, de soprano, de flûte, de saxo, de trompette, tout instrument que j’utilise… J’ai toujours été celui-là même qui défend les intérêts des instrumentistes.

En aviez-vous marre de travailler à l’ombre des autres?
Pas forcément. C’est quelque chose que j’estime bien pour le public et que je voudrais, non pas imposer, mais plutôt proposer… Il y a des gens ici qui écoutent du Mozart. Pourquoi ne pas écouter une musique de chez nous sans voix et commencer à avoir un contact étroit avec l’instrument de musique ? La musique ne se limite pas au chant. Tout le monde ne peut pas être chanteur, tout le monde ne peut pas sortir d’album. Et puis, pendant toutes ces années, je n’ai pas chômé. Je me suis occupé de tous ces jeunes qui sont aujourd’hui des musiciens de renom. C’est un travail pas du tout négligeable. Il n’y a pas d’année, pas d’âge. La musique c’est quand vous vous sentez prêt, quand l’inspiration vous vient. Depuis quelques années, ca me trottait dans la tête. Cet album, c’est l’aboutissement d’un travail énorme. Peut-être a-t-il fallu que je passe par tous ces gars-là pour arriver à faire quelque chose pour moi-même.

30 ans plus tard, quel bilan faites-vous de votre parcours?

Je suis assez content de tout ce que j’ai fait. J’ai quand même fabriqué, entre guillemets, des stars, à l’exemple de Mony Bilé, feue Charlotte Mbango, Prince Eyango avec «You must calculer», les jumeaux Epée et Koum, Manulo… Erico est ma dernière production. J’ai œuvré pas mal et je suis fier aujourd’hui de savoir que les artistes que j’ai fabriqué tournent sur le plan international et font plein de concerts partout. J’ai servi pas mal pour la culture. Le bilan est positif, c’est pourquoi je m’offre un cadeau. C’est aussi pour dire merci à tous ceux qui m’ont donné la possibilité de m’exprimer et de faire ce que j’ai fait, en leur offrant, ainsi qu’au public, cet album, et en réunissant autant de têtes d’affiche au Cameroun pour des concerts.

Il y a quelques années, vous avez sorti le Testament du makossa. Est-ce par opposition à la Bible du makossa ?

Pas par opposition. J’ai intitulé cette compilation Testament du makossa parce que j’ai été un peu choqué que des gens qui, à mon avis, n’ont pas qualité pour le faire, se sont levés comme ça pour dire qu’ils vont faire la Bible du makossa. Le makossa a une histoire et je fais partie des gens qui ont bâti cette histoire. Je considère que c’est une bonne idée qu’ils ont eue, mais qu’ils aient la force d’aller jusqu’au bout. Etant donné qu’ils n’ont pas toute la culture nécessaire pour prétendre faire la Bible du makossa, j’ai voulu créer un truc similaire pour aller le plus loin possible et apporter ma pierre à l’édifice. J’ai donc sorti le Testament. On y retrouve les anciens artistes qui avaient cette inspiration qu’on n’a plus aujourd’hui. J’ai voulu que les gens revivent un peu la grande époque de la musique.

Pensez-vous qu’il y a des imposteurs dans le makossa aujourd’hui?

Ah oui ! Il y ades «tintin» dans le makossa aujourd’hui. Je dirais même qu’il y a des gens qui nous bouffent le métier. Ils sont là pour le plaisir de passer à la télé, d’avoir les petites filles au quartier. Je ne peux pas supporter ça, je les combats en permanence. Ca ne nous fait pas avancer du tout. Nous avons d’autres préoccupations. La musique c’est la vie ; j’ai donné ma vie à la musique. En général, chez les jeunes, il suffit qu’un artiste fasse quelque chose qui marche pour que tous les autres s’alignent. Et quand on écoute, c’est le même esprit, la même connotation. C’est un peu embêtant. C’est pour cela que je respecte les artistes qui sortent du lot comme Richard Bona, Etienne Mbappè, Charlotte Dipanda, Henri Dikongue… Vivement que des gens comme Toto Guillaume, qui ont servi la musique et qui ont été d’un apport qu’on ne peut pas évaluer, reviennent sur la scène pour faire avancer les choses.

Justement, vous aviez un projet de revalorisation de la musique camerounaise avec Toto Guillaume…
On avait parlé d’organiser des ateliers de formation de temps en temps. Pour l’instant, c’est en stand by. Ca demande des financements.

Quel regard portez-vous sur la musique camerounaise aujourd’hui ?

Je pense qu’il y a un réel manque d’identité, notre musique a perdu son identité. Il y a quand même quelques-uns qui font l’exception, qui essayent de faire des choses qu’on peut écouter, mais globalement, il y a des problèmes. Il y a beaucoup de gars qui ont besoin de conseils, d’apprendre même. La musique est un métier, il faut la prendre au sérieux. C’est en tout cas le conseil que je peux leur donner pour leur permettre d’avancer. Par ailleurs, il ne faut pas faire des albums pour en faire. Prenez mon exemple : Aladji Touré, 30 ans, un album. J’aurais pu en faire des centaines, mais, il faut être prêt et là, je suis content parce que les gens qui ont écouté mon album apprécient. Je ne fais pas cet album forcément pour faire exploser le grand public, ce n’est pas une musique populaire qu’on va danser en boîte, c’est une musique pour des gens qui ont envie d’écouter quelque chose d’original. Et je pense qu’ils sont de plus en plus nombreux, quand on voit le succès des albums de Richard Bona ou Charlotte Dipanda, qui ne sont pas pour grand public mais qui marchent bien. Ma musique est pour des oreilles avisées. Ma lutte, c’est d’ailleurs que toutes les oreilles camerounaises soient avisées, dans un temps relativement court.

Qu’est-ce qui, d’après vous, menace le plus notre musique? L’amateurisme de ceux qui la font ou l’ouverture aux musiques étrangères ?
Ce sont les deux. L’ouverture a quand même empoisonné la musique camerounaise. Je ne suis pas contre la fusion des musiques. Il y a pratiquement de tout dans ma musique. Quand nos artistes font le mélange de rythmes, il faut qu’ils le fassent proprement, sans tomber dans la facilité. Il ne faut pas non plus calquer, car la copie ne sera jamais l’original. En général, il faut que les artistes suivent leur inspiration et travaillent, à l’exemple de Hugo Nyamè, Erico… c’est vers ces artistes que je vais aujourd’hui pour les encourager davantage.

Que reste-t-il de l’Equipe nationale du makossa ?
Dans le noyau dur, il y avait Jules Kamga, Ebeny Wesley, Toto Guillaume et moi. Il ne reste plus que Toto Guillaume et moi. Il y a eu un moment d’abattement et cela a affecté la qualité de la musique camerounaise. On a repris les choses. Je viens de faire le nouveau Marco Bella qui va sortir bientôt ; Toto Guillaume, lui, a fait Benji Matéké

Vous êtes bassiste, arrangeur, producteur, distributeur, enseignant de musique… lequel de ces casquettes préférez-vous ?
Je préfère toujours la casquette de musicien. Il y a un lien étroit entre un musicien bassiste, un arrangeur, un distributeur et producteur, c’est une chaîne. C’est vrai que ces dernières années, j’ai arrêté pas mal d’activités, la production en l’occurrence, pour me consacrer à mon album. Mais, j’ai trouvé un juste milieu entre mes activités.

En 2006, vous avez lancé les Aladji Touré Master Class (Atmc). Qu’est-ce qui a motivé l’organisation de cette compétition ?
A un moment donné, je me suis dit que nous, les musiciens de ma génération, avons eu la chance d’aller en Europe pour apprendre la musique. Entre-temps, il est devenu difficile d’y entrer. Or, nous commençons à vieillir et il faut assurer la relève. J’ai donc décidé de crée Atmc qui a porté ses fruits. En 2006, Erico a eu le 1er prix de la chanson et j’ai produit son album qui a cartonné. Aujourd’hui, les jeunes musiciens ont la chance de pouvoir apprendre la musique.

Quel a été le sort des autres lauréats?
Il y en a qui jouent dans des cabarets. Un autre est chef d’orchestre dans un groupe en Guinée Equatoriale. Les instrumentistes qui ont suivi des cours pendant deux, trois ans, avec moi travaillent tous aujourd’hui dans l’orchestre des Brasseries (Société anonyme des brasseries du Cameroun, ndlr).

Mais peut-on fabriquer des artistes en quelques semaines, le temps d’un concours?

Non, ce n’est pas en quelques semaines. Je vous parle là des gens qui ont fait deux, trois ans, car nous leur donnons des informations pour bosser pendant un an au moins. Ils doivent prendre le temps de travailler tous les jours pendant un an, pour assimiler. C’est comme ça qu’ils deviennent calés dans leur domaine.

A quand la 5ème édition des Atmc ?
J’ai fait très peu de « tapage » autour de cette édition parce que je n’ai pas voulu que ça fasse doublon avec la célébration de mes 30 ans de carrière. J’ai eu des sponsors qui m’ont aidé pendant les quatre premières années, mais, cette année, je préfère qu’ils m’aident pour mes 30 ans. Encore que ce n’est pas toujours évident, je rame encore, mais je continue à travailler. La formation des candidats présélectionnés du Centre et du Sud a commencé ce matin à Yaoundé (lundi, 29 mars 2009, ndlr). Suivra celle des présélectionnés du Littoral. D’ici trois semaines ou un mois, on aura une finale nationale à Douala, pour boucler.

Jusqu’ici, que vous ont apporté les Atmc ?
Aujourd’hui, j’arrive à voir des musiciens qui jouent proprement, qui ont fait un travail énorme au niveau de la justesse, qui chantent de mieux en mieux et qui sont maintenant prêts à faire de la musique dans le vrai sens du terme, et, éventuellement, à affronter l’international. J’entends en faire des milliers comme ça avant de disparaître.

En 2005, vous avez publié un ouvrage sur «Les secrets de la basse africaine». Pourquoi un tel livre ?

Je me suis rendu compte que nous avons un plus que les Occidentaux n’ont pas. C’est notre côté rythmique et beaucoup de folklore. J’ai côtoyé des bassistes de très haut niveau qui m’ont demandé à quand une méthode de basse africaine ? Ils m’ont dit qu’ils aimeraient bien l’avoir pour comprendre pourquoi on a un jeu aussi puissant. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de faire cet ouvrage. J’ai travaillé essentiellement sur les basses bikutsi, bolobo, benskin, mangambeu, makossa et assiko. C’est un livre pédagogique, écrit en français et en anglais, qui contient l’histoire de la musique camerounaise et un Cd d’études. J’y donne un canevas de travail. Le livre qui a été publié aux éditions Henry Lemoine coûte presque 20 000Fcfa en France. Au Cameroun, j’en ai vendu près 200 exemplaires, surtout aux amis.

Comment voyez-vous la musique camerounaise de demain?
J’ai beaucoup d’espoir, parce que les jeunes ont envie d’apprendre aujourd’hui. Il y a quelques années, ce n’était pas le cas. Ils commencent de plus en plus jeunes. Ils sont là, ils en veulent. A mon humble avis, l’avenir de la musique camerounaise est assuré, à condition qu’on multiplie les formations, les ateliers, les écoles, les conservatoires.

Où en êtes-vous avec votre projet d’ouvrir un conservatoire de musique au Cameroun?
J’ai toujours ce projet, mais ça demande des financements. J’ai déjà avancé pas mal, j’ai commencé à mettre les premières pierres à Ndogbong, à Douala. Mais si je ne suis pas soutenu financièrement, ça ne verra jamais le jour, je n’aurai jamais les moyens pour terminer. Mais, j’avance, je vais rechercher les fonds et, avec un peu de chance, ça ira. C’est un projet qui me tient à cœur et je ne voudrais pas l’abandonner, sauf si je me rends définitivement compte que ce n’est pas faisable. Dans ce cas, je vais faire juste une petite structure pour encadrer les jeunes.

Après 30 ans de carrière, avez-vous des regrets ?
Le seul regret que j’ai c’est que j’aurais dû m’organiser beaucoup plus tôt que ça. Je suis en France depuis 32 ans et il y a cinq ans seulement que j’ai décidé de venir transmettre mes connaissances aux jeunes. Quand je vois à quelle vitesse les enfants apprennent, je regrette de ne l’avoir pas fait plus tôt. Je suis fier de cette école ambulante que sont les Atmc, de tous ces jeunes qui sont avec moi et qui apprennent, parce qu’après moi, la musique va continuer. Seulement, il faut qu’il y ait d’autres gens qui initient.

On connaît beaucoup Aladji Touré le musicien, mais on connaît finalement bien peu Aladji Touré l’homme…

Je suis né à Douala le 21 janvier 1954. J’ai connu une enfance assez paisible. Je passais mon temps à jouer du tam-tam. A l’âge de neuf ans, je me fabriquais des guitares avec des câbles de freins et c’est comme que j’ai commencé à gratouiller. Après, j’ai eu accès à de vraies guitares. J’avais des voisins qui en avaient une. J’ai commencé réellement la musique au collège. J’ai été chef d’orchestre, d’emblée. J’allais aussi voir les aînés jouer dans les bars et les cabarets. Je ne m’intéressais pas encore à la basse, je faisais de la guitare. J’estime que la basse, c’est un instrument qui recadre tout, c’est lui qui donne le ton. Je faisais musique et études jusqu’en classe de 1ère, où j’ai arrêté mes études. Ensuite, je suis allé en France, le 13 septembre 1977.

Comment est-ce arrivé ?

Papa a estimé que puisque je voulais faire de la musique, il fallait que je la fasse proprement. Aussi m’a-t-il envoyé en France pour apprendre la musique. Tout de suite, je me suis inscrit au conservatoire supérieur de musique, de danse et d’art dramatique Schola Cantorum à Paris. J’y ai passé cinq ans et ensuite, j’ai fait deux années de contrebasse. Puis, j’ai passé quatre ans dans une école de jazz américaine, American school of modern music à Paris. Après cela, je me suis lancé dans une carrière. Voilà, je suis encore là, c’est un très beau métier.

Qu’en est-il de votre vie de famille ?
Je suis mariée à une femme Baham, nous avons quatre enfants. L’aînée qui a 35 ans, a fait de hautes études commerciales à Paris. Il travaille à la Banque mondiale en Afrique du Sud. Mon deuxième garçon a 27 ans, Kennedy Touré. Après sept ans de piano, il a choisi de faire le rap et son 2e album venait de sortir. Il a signé avec une grosse boîte, Universal music. Ma troisième fille de 25 ans vient de terminer ses études de droit. J’ai un autre garçon de 15 ans.

Écrit par Stéphanie Dongmo

Le jour

Mannequinat : Grégoire Piwele organise l'Annual show 2010


Du 22 au 27 novembre, Grégoire Piwele organise à Douala la 5ème édition d'Annual Show, le festival de mannequins black du sud du Sahara. Lancé en 2001 avec le regretté Flammarion Olomo, l'Annual show festival a inscrit dans son programme des défilés de mode, des rencontres entre professionnels, des prestations musicales. Au Saint John's plaza, village du festival, des stands ont été montés. Selon les organisateurs, le festival a pour objectif de faire du mannequinat une véritable industrie au Cameroun. Cette cinquième édition est placée sous le parrainage de Satya Oblet, mannequin français d'origine indienne.

dimanche 21 novembre 2010

Théâtre : Mourir d'aimer


« Tant que durera l'homme » a été représenté hier au Ccf de Yaoundé, dans le cadre de la 18ème édition des Retic. Mise en scène par Jacobin Yarro, la pièce raconte les frustrations d'une femme mal aimée.

Soudain, la scène est plongée dans le noir. Une ombre armée se profile à l’horizon et un bruit de détonation retentit. Des tréfonds de l’obscurité, une voix se fait entendre : « Je m’appelle Frida. Je viens de tuer un homme et je m’apprête à me faire sauter la cervelle ». Ces paroles dramatiques sont les premières de la pièce intitulée « Tant que durera l'homme », mise en scène par Jacobin Yarro et jouée par Anita Kamga.
Adaptée du roman « D’eaux douces » de Fabienne Kanor (2004, Gallimard), la pièce, sortie en mars 2010, a été projeté hier au Ccf de Yaoundé, au cours de la seconde journée des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic). Elle raconte l’aliénation d’une Martiniquaise prise dans les rets d’un amour à sens unique qui, pour s’affranchir, tuera son compagnon et se donnera la mort. Mais avant, elle se confessera dans un monologue intimiste où le passé prend souvent le pas sur le présent.

Née en France d’un père effacé et d’une mère castratrice, Frida a passé son enfance dans une maison silencieuse, sans amour et sans chaleur. Plus grande, elle se jette dans une sensualité débridée. Eric dont elle s’éprend sera le point final de son « enfilade d’hommes ». Elle voit en lui l'homme qui comblera le vide de son existence. Seulement, Eric est un homme « machine à jouir ». Et malgré cela, un homme que son corps et son sexe cherchent à en perdre la raison. Et cette inconstance sera tant que durera l'homme.

Frida le sait mais ne peut empêcher la passion de la consumer. Une passion qui devient vite dévotion malsaine. « De combien de corps Eric s'est-il nourris ? Entre cinquante et cent, trois cents et mille, un peu plus, beaucoup plus, davantage encore ? Je brûle et finis par penser que la terre entière a fait l'amour avec lui ». Ces questionnements augmentent son désespoir. Au fil de son monologue, Frida semble perdre la tête. Elle passe en effet du fou rire à une tristesse profonde et procède à une déformation nominale du nom de l'homme dont elle a perdu la maîtrise depuis longtemps, mais qu’elle continue d’aimer, au-delà de la mort : Eric, Rico-au-plus-haut-des-cieux. Sa mort ne le soulage pas. Au contraire. Pour mettre un terme à ses tourments, Frida décide de tuer à jamais son sexe et sa chair coupables de désirs.

Comment garder un homme pour soi toute seule? C'est l'exercice auquel Frida, comme beaucoup d'autres femmes, s'est soumise. Calixthe Beyala lui a donné du ventre. Frida, elle, lui a donné du bas-ventre à l'en dégoûter. Lady Ponce, pour sa part, a recommandé la combinaison des deux. En attendant d'essayer cette solution, Anita Kamga a réussi à transmettre l'émotion sur un texte poignant. Ce qui a fait oublié le jeu quelque peu décalé de la régie son.

Amadou Mahtar Ba:« Patrons de presse et financiers se comprendront mieux désormais »


Le président d'Initiative pour les médias d'Afrique parle du Forum des patrons de presse africains qui s'est tenu les 18 et 19 novembre derniers à Yaoundé, sur le thème : « Financer les médias africains en période de modèles commerciaux aléatoires».

Quel est votre sentiment à la fin de ce forum ?

Un sentiment de satisfaction et de fierté. On a commencé cet événement en 2008, on était 55, cette année, on était 235. Évidemment, ce que ca veut dire c'est qu'il y a du progrès. Les gens comprennent la nécessité d'avoir des médias professionnels, éthiques, qui ont un sens des responsabilités, pour pouvoir faire avancer ce continent. Et c'est ça ma fierté.

Quels étaient vos objectifs et ont-ils été atteints ?

Absolument. Nos objectifs étaient un de nous retrouver, de travailler ensemble sur trois thèmes : le financement; la technologie et l'éthique; le leadership et la responsabilité sociale. Et sur tous ces trois thèmes, on a fait des avancées énormes, avec des propositions concrètes sur la table. D'ici notre prochaine réunion qui aura lieu au mois de septembre 2011, on reviendra avec des actions concrètes, pour dire : voilà ce qu'on a fait sur tous ces sujets depuis l'année dernière.

Peut-on espérer qu'à partir de ce forum, le rapport entre les patrons de presse et les financiers change ?

Change, je ne suis pas sûr. Disons qu'ils se comprendront mieux. Et comme ils se comprendront mieux, ils travailleront beaucoup mieux ensemble.

Quel est la situation économique des entreprises de presse en Afrique ?

Mauvaise. Et c'est justement pour ca que nous travaillons pour l'améliorer.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo


jeudi 18 novembre 2010

Musique : Annie-Flore Batchiellilys à Douala


La chanteuse gabonaise prend part à une soirée de collecte de fonds organisée ce vendredi par la Swaa Littoral.

Le Saint John's Plazza accueille une soirée de gala organisé par la Swaa Littoral, en vue de collecter des fonds pour soutenir sa lutte contre le Sida. Annie-Flore Batchiellilys va s'y produire.

Depuis la semaine dernière, la chanteuse gabonaise séjourne à Douala. Ele y enregistre son prochain album, « De Mighoma pour vous », dans le studio Makassi de Sam Fan Thomas. Ce sera son cinquième album.

Née à Tchibanga (sud-ouest du Gabon) le 10 avril 1967, Annie-Flore Batchiellilys a passé son enfance aux côtés de sa grand-mère qui lui a transmis le goût du chant alors qu’elle pensait s’orienter vers la mécanique automobile. Mariée et mère de trois enfants, elle a été formée par Pierre Akedengue.

Média africain: Patrons de presse et investisseurs cherchent des solutions à son financement


Le 3ème Forum organisé par Initiatives pour les médias d'Afrique s'achève ce jour à Yaoundé.

Hier, 18 novembre 2010, institutions financières, banquiers, annonceurs, experts, dirigeants et promoteurs d'entreprises de presse se sont réunis à l'hôtel Hilton de Yaoundé pour prendre part au 3ème Forum des leaders des médias d'Afrique ayant pour thème : « Financer les médias africains en période de modèles commerciaux aléatoires ».

La première journée de ces assises a mis face à face deux camps qui, très souvent, se regardent en chiens de faïence : les professionnels de la finance et les patrons de presse. Assis autour d'une même table, ils ont échangé sur leurs attentes et même sur leurs craintes respectives. Il était question d'exorciser la méfiance afin de comprendre l'approche du secteur financier dans le financement des médias. Il était aussi question de briser les barrières à l'accès des entreprises de presse aux capitaux, en définissant les possibilités de financements disponibles.

Les participants aux travaux se sont accordés sur un point : accéder au financement à long terme est un réel problème auquel les médias d'Afrique doivent faire face, car les banques rechignent à prêter à un secteur qui peine à observer les règles classiques de gestion d'entreprise. Les banques, elles, évoquent les faibles capacités managériales à l'intérieur des entreprises de presse. Car, pour elles, l'entreprise de presse est une entreprise comme une autre. Elle produit des services et doit être gérée comme telle car il ne s'agit pas de charité mais de rentabilité. Les leaders des médias arguent de leur spécificité et font valoir leur mission de service public.

Pour Youssouf Ouedraogo, conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement (Bad), « Un média est d'abord une entreprise au sens littéral du terme; il doit être géré dans les règles de l'art, du point de vue de la comptabilité et de la gestion. Les notions d'éthique et de déontologie sont importants ici parce que si un journal n'est pas crédible, il n'est pas acheté ». Eric Chinje, représentant de la Banque mondiale à ces assises, explique que pour recevoir des financements, la presse doit se positionner comme un acteur essentiel du développement.

Filomena Tavares, la directrice de publication du journal A Semana au Cap Vert rétorque, elle, que la presse est un secteur aussi stratégique que l'éducation et la santé. Elle doit par conséquent être prioritaire dans les actions des gouvernements africains. Ce qui est tout à fait l'avis de Cheriff Sy, le patron du journal Bendré à Ouagadougou. Il préconise pour sa part la création de banques de médias, avec des taux d'intérêt faibles et des délais élargi.

Organisé par Initiatives pour les médias d'Afrique, le Forum des leaders des médias d'Afrique s'achève ce jour à Yaoundé.


dimanche 14 novembre 2010

Poésie : des vers jaillissent à Yaoundé


La Ronde des poètes, les Amis de la littérature et le Bleuet international ont donné un récital de poésie le 10 novembre dernier.

Que serait le monde sans la poésie ? », c'est la question que s'est posé Stella Engama, pour ouvrir le récital de poésie baptisée « Jaillissements », le 10 novembre au Centre culturel français (Ccf) de Yaoundé. Une soirée organisée par les associations La Ronde des poètes, Les Amis de la littérature et le Bleuet international. Au programme, de la poésie, du slam, de la chanson.

Le poète Tamango a ouvert le bal des déclamations avec un poème de René Philombe, « Le feu ». Ali Mvondo, lui, est venu parler de l'ailleurs et de l'ici ; Diesel de sa vie au couvent ; Stone, du collectif La Phraz Slam, araconté l'imparfait de la vie ; Symplice B. Mvondo nous a parlé des pleurs du tiers-monde, laissant le public sans voix et la larme chaude.

Le passage le plus remarquable a sans doute été celui d'El Loco, le fou de la compagnie. Vêtu d'un caleçon, d'un bonnet et d'une paire de chaussettes, il a surgi sur la scène, ses vêtements sur le bras, une bouteille d'un demi litre d'eau dans la main. Il a versé son contenu sur le plancher, avant de s'assoir au milieu de ses vêtements dispersés. Dans la demi-pénombre de la scène, il s'est ensuite levé et s'est avancé vers le micro. Le public, mis en condition, est suspendu à ses lèvres. Avec une voix de tonnerre, il a lâché une seule phrase : « J'emmerde la France !». Et s'en est retourné, d'un pas lent, dans les coulisses, sous les acclamations nourries du public.

« Jaillissements », explique Jean-Claude Awono, est une « initiative du poète où domine une liberté de ton et de genre ». Les organisateurs comptent renouveler l'expérience l'année prochaine, pour donner l'opportunité aux gens de s'exprimer.

mercredi 10 novembre 2010

Arts plastiques : Gomán sort de l’oubli

Agé 82 ans, ce peintre très sollicité dans les années 70/80 expose du 10 au 17 novembre à Yaoundé.

Gaspar Gomán. Peu de gens le connaissent aujourd’hui. Sa peinture et ses sérigraphies sont pourtant visibles dans toute la capitale. Ce sont des mosaïques peintent sur les façades principales des immeubles abritant la direction générale des Impôts et Afriland first bank, pour ne citer que ceux-là. L’artiste a aussi réalisé les mosaïques des bassins de l’hôtel de ville de Yaoundé.

Parce que Gaspar Gomán réalise un travail « pertinent et de qualité », le Centre culturel français de Yaoundé (Ccf), en partenariat avec l’ambassade d’Espagne au Cameroun et la Fondation Muna, a entrepris d’organiser une exposition de ses œuvres pour le rappeler à notre bon souvenir et « réparer cette injustice ». Cette exposition se tiendra du 10 au 27 novembre 2010 sur trois sites : Ccf, Fondation Muna et Djeuga Palace. L’exposition devra se poursuivre dans d’autres villes.

Artiste camerounais, Gaspar Gomán est né en 1928 à Santa Isabel (devenue Malabo) en Guinée équatoriale. Son père, Gaspar Djon Ngong Man, s’y était installé quelques années plus tôt. A sa naissance, son nom, le même que celui de son père, est hispanisé et devient Gomán. Très tôt, l’artiste est attiré par le dessin. En 1954, Gaspar Gomán, qui est instituteur à Santa Isabel, obtient une bourse pour des études d’arts plastiques à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Barcelone en Espagne. En 1960, il retourne en Guinée équatoriale et commence à y enseigner l’histoire de l’art, en même temps qu’il expose ses œuvres.

En 1972, Mbouombouo Njoya, alors ambassadeur du Cameroun en Guinée équatoriale, l’encourage à s’installer au Cameroun, un pays qui est le sien, et dont il ne sait finalement pas grand-chose. A Yaoundé, il enseigne l’espagnol dans des lycées, tout en continuant à peindre. En 1973, Gomán présente sa première exposition au Cameroun, au Ccf de Yaoundé. Au cours de sa seconde exposition toujours dans ce centre, il fait une rencontre déterminante pour la suite de sa carrière. L’architecte français Arman Salomon le sollicite pour réaliser des mosaïques sur les batiments qu’il construit. Avec lui, il travaille sur les batiments des ministères des Finances et des Postes, de même qu’à la Béac à Brazzaville. Ses œuvres, il les signe tout implement Gomán.

A peine sorti de l’école, l’artiste a choisi de se libérer des codes picturaux académiques pour inventer une expression libre, propre à lui. Ses techniques sont multiples : gouache, huile, gravure, dessin, aquarelle, mosaïques … « Sa peinture est une synthèse entre une influence de la peinture occidentale de la première moitié du XXe siècle (Gauguin, Matisse, Picasso…) et une iconographie purement ethnographique dans un style expressif des premières peintures africaines sur chevalet », lit-on dans le catalogue de ses œuvres publié par le Ccf.

Au rang des actions entreprises pour faire connaître cet artiste, un documentaire de 26 minutes a été réalisé par Mboumbouo Njikam Mama pour retracer son histoire. Mais Gomán n’a pas dit son dernier mot. L’artiste qui se définit comme persévérant continue à travailler d’arrache-pied, à 82 ans.

René Ayina : « Le bikutsi peut nous amener loin »


Le promoteur du Festi Bikutsi qui se tient à Yaoundé du 8 au 13 novembre parle de son déroulement et de ses enjeux.


Le Festi Bikutsi 2010 a démarré lundi. Quelles sont les activités prévues cette année ?

Il y aura une table ronde sur le thème :« L'apport des médias dans le développement de la musique camerounaise ». Ce sera le 10 novembre à Biyem-Assi, à l'esplanade de la sous-préfecture. Les autres activités sont la formation en management artistique et gestion des artistes et l'initiation des enfants de moins de 15 ans à l'utilisation des instruments de musique traditionnels. Il y aura aussi, comme c'est le cas depuis trois ans, une exposition de photos au camp Sonel à Essos, village du festival. Le vernissage se fera jeudi prochain, au cours de la cérémonie officielle d'ouverture du festival, en présence du ministre de la Culture. Il y aura des spectacles dans les mairies.

Pourquoi les mairies?

Les mairies doivent participer à l'animation de la ville. Trois mairies nous ont accueillis : Yaoundé II, Yaoundé IV et Yaoundé VI. Les spectacles, ici, sont gratuits. Au camp Sonel, on est bien obligé de faire payer l'entrée pour pouvoir payer une prime de participation de 50 000Fcfa à chaque artiste. Nous appelons les artistes qui se sont déjà fait un nom à se joindre à nous pour mieux vendre le bikutsi. Le problème est : est-ce que les artistes se sentent concernés ? Est-ce qu'ils pensent que je me fais de l'argent sur leur dos ?

Vous faites-vous de l'argent sur leur dos ?

L'argent-là est où ? J'ai investi tout ce que j'avais dans ce festival. A un moment donné, on a même dû l'arrêter, puis on l'a restructuré. Au départ, il était international. Maintenant, on s'est concentré principalement sur les artistes de Yaoundé. Cela nous évite trois charges : le transport, l'hébergement et la nutrition.

Les années précédentes, il y a eu beaucoup de problèmes d'éclairage et de son pendant les spectacles. Quelles dispositions avez-vous prises pour prévenir de tels désagréments ?

Il y a un aspect que nous ne maîtrisons pas. Pour ce qui est des spectacles dans les mairies, nous travaillons avec les Brasseries du Cameroun, et au camp Sonel, avec le matériel de M. Assene Nkou. Nous prenons tous ces problèmes en considération. Cette année encore, nous sommes obligés de travailler avec les Brasseries qui nous apportent le matériel logistique et les musiciens, pour ce qui est des spectacles délocalisés qui sont difficiles à mener.

L'objectif de ce festival est la promotion du bikutsi. Mais depuis quelques années, vous invitez des artistes qui ne chantent pas dans ce registre-là. Pourquoi ?

Nous ne sommes pas fermés. Nous essayons de nous ouvrir pour que les artistes d'autres obédiences copient le bikutsi, parce que le bikutsi marche. Nous disons : arrêtons-nous et développons le bikutsi pour qu'il nous défende au niveau international.

Le Festi bBkutsi est à sa 12ème édition. Jusqu'ici, quel bilan pouvez-vous en faire ?

C'est un bilan positif. Le Festi Bikutsi a révélé Sally Nyolo au Cameroun, en 1998. Elle était connue à l'international, mais pas encore au Cameroun. Aujourd'hui, nous essayons de sortir du bikutsi que l'on disait porno. Nous disons aux jeunes : écrivez des textes éducatifs. Il faut que les gens comprennent que le bikutsi peut nous amener loin et ne plus se laisser fragiliser par les musiques étrangères.


jeudi 4 novembre 2010

Le livre du jour : Boyomo Assala scrute le soleil des Pères-de-la-Nation


Dans son premier roman, il fait une critique acerbe du gouvernement post-indépendance qui, au Cameroun, maintient le peuple dans la terreur.


Laurent-Charles Boyomo Assala a attendu longtemps pour dire les choses qu’il porte sur le cœur depuis les années 70. Il vient, en effet, de publier son premier roman qui peint le climat de tension sociale et politique de cette période d’après-indépendance au Cameroun. « Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long » est le titre peu orthodoxe de cet ouvrage de 221 pages qui vient de paraître aux Presses de l’université catholique d’Afrique centrale, à Yaoundé.
Le roman pose ses valises à Petit-Ville. C’est une bourgade sans problème, qui ne vit que parce qu’Ongola, la capitale, respire, car elle y achète toutes ses ressources alimentaires. La vie y coule doucement, accompagnée par les fumets de ndolè et les airs d’assiko de Jean Bikoko, jusqu’au jour où un putsch (réel ou supposé ?) se produit à Ongola. Les frontières de la ville fermées, les habitants se livrent à toute sorte de questionnements.
Que se passe-t-il exactement, se demandent l’inspecteur des impôts Nganyanya, la belle Bella et le mystérieux Sarki Mama, alors que la radio reste muette. A cette époque où les coups d’Etats sont légion en Afrique, les sand sand boy ont-ils fini par avoir raison du régime répressif et dictatorial qui a remplacé le colonisateur ? Qui sont vraiment les sand sand boy? Des indépendantistes de l’UNP ou un ramassis de petits vagabonds qui continuent à jouir du prestige de leurs aînés de l’époque coloniale? En ces temps-là, un des leurs, un certain Wandji, avait été arrêté avec un évêque, puis froidement exécuté sur la place publique. Avant cela, un autre leader unépiste avait été assassiné dans la broussaille, un autre encore empoisonné. Terrorisé face à la répression, le peuple avait tôt fait de déchanter.
Mais, affamés, les habitants de Petit-Ville ont une préoccupation plus urgente : trouver de la nourriture. Car, le « parti unique corrompu » a substitué à l’agriculture de subsistance une agriculture de rente qui n’a fait qu’appauvrir le paysan. Pour approvisionner Petit-Ville, Nganyanya et ses compagnons lancent un projet mort-né de plantation collective. Le livre se termine cependant sur une note d’espoir : le coq chante à l’horizon, promesse d’un jour nouveau.
Dans ce roman, Laurent-Charles Boyomo Assala se pose comme la mémoire inquiète d’un pays qui a perdu ses repères par la faute de nouveaux sorciers qui ont le « book dans la tête » et tiennent le crayon long. S’il essaie de décontextualiser son récit, ses allusions transparentes à l’histoire politique de notre pays vouent ce projet à l’échec.
Pour dire les choses, l’auteur n’a pas ménagé sa peine. Autour de l’intrigue, il aborde une pléthore de thèmes : les coupeurs de route, le rôle des députés, celui de l’intellectuel africain, la faillite de l’école occidentale... Il n’oublie pas de passer au vitriol le journalisme de règlement de comptes, lui qui est directeur de l’Esstic et secrétaire général du Conseil national de la communication. Mu par un sens affiné du détail, Boyomo Assala a choisi un chemin tortueux et semé d’embûches. Roman cérébral, « Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long » ne doit pas se lire à petites doses mais d’un trait, avec concentration. Lecteur impatient ou distrait, s’abstenir.
Stéphanie Dongmo