jeudi 25 novembre 2010

Patrick Noukpo : « Ferdinand Léopold Oyono a été un prophète »


Comédien et metteur en scène béninois, il a adapté au théâtre les trois romans de Ferdinand Léopold Oyono. Ses pièces sont jouées à Yaoundé dans le cadre des Rencontres théâtrales internationales (Retic) qui, cette année, rendent hommage à l'écrivain décédé en juin 2010.


Pourquoi avoir choisi de travailler sur les œuvres de Ferdinand Léopold Oyono?

J'ai été épris de ses ouvrages, du comique avec lequel il les a écrits, alors qu'il parle de sujets assez poignants. Au-delà de cela, j'ai constaté que, de plus en plus, les jeunes ne lisent pas, même lorsque les ouvrages sont au programme scolaire. Je me suis dit qu'adapter ces textes au théâtre, c'est une façon de les inciter à la lecture. Le fait de découvrir ces livres sur la scène peut les motiver à aller vers la lecture. J'ai aussi été touché par les thèmes qui sont abordés dans les livres d'Oyono.

La colonisation?

Je ne m'intéresse pas à la critique de la colonisation. Ce sujet n'est plus d'actualité, il ne sert à rien de retourner le couteau dans la plaie. Il est plutôt question aujourd'hui de regarder l'avenir en face, pour savoir comment nous avons géré nos indépendances. D'autres critiques qu'il a faites dans ses livres restent d'actualité. C'est clair qu'aujourd'hui, les jeunes veulent partir, comme si chez nous, il n'y a vraiment rien à faire. Mais on ne doit pas croire que chez les Blancs, il fait toujours bon vivre. C'est pour toutes ces raisons que j'ai décidé de travailler ces classiques qui sont déposés dans la grande bibliothèque universelle par Ferdinand Oyono. Paix à son âme.

Vous êtes Béninois, comment avez-vous découvert cet auteur camerounais?

La littérature est universelle. A l'école, j'avais écrit une dictée extrait d' « Une vie de boy ». Mon maître m'a demandé si j'ai lu ce roman. Je ne savais même pas ce qu'est un roman. Une fois à la maison, j'ai demandé à mon père de me procurer le livre. Dès cet instant, je me suis dit qu'il fallait que je prête ma voix à ce monsieur-là, que je l'aide à faire passer ce message. Si j'avais eu plus de moyens, j'aurais fait de films de ses livres, car, Oyono a été un prophète. Je l'ai rencontré l'année dernière, à l'occasion des Retic. On en a discuté, il était très content. Il avait même promis qu'il sera là cette année, mais la nature en a décidé autrement.

Quand avez-vous adapté chacune de ces œuvres ?

Nous [la compagnie Oshumare] avons adapté « Le vieux nègre et la médaille » en 2005. La mise en scène a été faite en 2006. « Une vie de boy » a été adaptée en 2008-2009, et « Chemin d'Europe » il y a à peine deux mois. Ce sera la première représentation [vendredi, 19h à l'hôtel Hilton de Yaoundé].

Toutes ces pièces sont des monologues...

Dans nos pays, la création souffre d'un manque de moyens. On n'a pas toujours les moyens pour appeler les comédiens lorsqu'on n'a pas un fonds de création. Aussi, j'ai décidé de porter tout en moi, c'est un challenge que je me suis lancé.

Comment réussissez-vous à mettre en scène tous les personnages que compte la pièce?

Passer d'un personnage à l'autre, avec la voix, la démarche, les mimiques, ce n'est pas facile. Il faut avoir une personnalité d'acteur. Il faut aussi que les gens qui travaillent avec vous prennent la peine de connaître ces personnages, de lire le texte.

Sur scène, vous dites le texte avec un débit assez rapide. Est-ce délibéré?

Le débit dépend de l'interprète. C'est aussi relatif au rythme, à la respiration du texte. Il n'est pas linéaire, il monte et il descend, il donne une certaine musicalité au texte. C'est de cette manière que je peux apporter le roman autrement.

Cela a-t-il été difficile d'adapter les romans d'Oyono?

Évidemment, oui, cela été difficile de raconter ces romans en 60 minutes ou 1h30 sur scène, sans les dénaturer. Pour le faire, il faut aimer la lecture, il faut savoir disséquer un texte. C'est un travail fou, mais plaisant.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

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