vendredi 29 avril 2011

Livre-entretien : 32 écrivains disent l'indépendance


« Indépendances cha-cha » publié par un collectif d'éditeurs interroge des auteurs de 14 pays d'Afrique sur cette problématique.


« Indépendance cha-cha ». Le célèbre tube du chanteur congolais Joseph Kabassele Tshamala, alias Grand Kallé, symbole fort de ralliement au moment des indépendances africaines, a été emprunté pour être le titre d'un livre-entretien publié en 2010 par les éditions Magellan & Cie, en partenariat avec Apic (Algérie), Eburnie (Côte d'Ivoire) et Ifrikiya (Cameroun). Malgré son succès, cette chanson n'est pas l'unique illustration de l'indépendance. Pierre Astier, le directeur de la collection Miniatures dans laquelle paraît l'ouvrage, explique que cette littérature « a apporté son tribut à une culture multi-millénaire dont on ne perçoit pas encore l'immense rayonnement dans le monde ». L'écrivain gabonais Jean Divassa Nyama confirme : « Avant l'indépendance, c'est la littérature qui a libéré l'Afrique ».

L'ouvrage est une mosaïque d'interviews réalisées auprès de 32 écrivains de 14 pays d'Afrique, qui, en 2010, ont célébré le cinquantenaire de leur indépendance. Le Cameroun, avec le Sénégal, est le pays le plus représenté avec quatre auteurs : Eugène Ebodé, né en 1962 et installé en France; Gaston Kelman, né en 1953, vit en France; Patrice Nganang, né en 1970, vit aux Etats-Unis; et François Nkemé, né en 1968, vit à Yaoundé. Ils répondent à des questions standard: comment ils ont vécu l'accès à l'indépendance, quel impact cet événement a-t-il eu sur leur écriture, ce qu'ils pensent du fait qu'ils écrivent en français, la langue de l'ancien colonisateur et quel avenir ils souhaitent à la littérature de leur pays. Les réponses sont aussi disparates que le sont les profils des écrivains interrogés, leurs parcours et leurs pensées.

Politique nationale du livre

Sur l'indépendance, Eugène Ebodé interpelle la responsabilité des pays qui ont organisé la muse à sac de l'Afrique. Gaston Kelman, lui, veut se débarrasser du passer : « Ce n'est pas tant d'où je viens qui compte, c'est ce que je devient », dit-il. Il soutient par ailleurs qu'il n'y a jamais eu de guerre au Cameroun, alors que Patrice Nganang raconte le génocide bamiléké. Pour sa part, François Nkémé pense que « la majeure partie de la population ne voulait pas de cette indépendance » arrivée au moment où « les Camerounais en ont eu assez de tout ce maquis ». Les auteurs ne s'accordent pleinement que sur le fait que notre pays a cruellement besoin d'une politique du livre qui puisse booster la production. Les ouvrages qui paraissent au Cameroun, explique l'éditeur Nkémé, circulent très mal localement, et pire encore à l'étranger. Pour y remédier, Eugène Ebodé préconise : les pouvoirs publics doivent œuvrer, avec le concours de mécènes locaux, à l'épanouissement des arts et à la diffusion des œuvres ».

Si l'initiative de la publication de ce livre-entretien est à louer, on peut cependant interroger le casting de l'éditeur qui a adressé, à quelques phrases près, un même questionnaire à des auteurs de renommée et d'horizons différents, qu'ils aient beaucoup écrit à partir du matériau sur les indépendances africaines ou qu'ils ne s'y soient jamais intéressés.

Stéphanie Dongmo


Auteur: Collectif

Indépendances cha-cha
Editions Magellan et Cie
novembre 2010, 208 pages

Prix : 2500 Fcfa

jeudi 28 avril 2011

Censure : Un film interdit à Yaoundé


«La Banane» de Franck Bieleu décrit les conditions de travail dans les bananeraies de Penja; il n'a pas été projeté hier sur ordre du sous-préfet de Yaoundé I.

Les policiers du commissariat central N°1 de Yaoundé se sont invités à la projection du documentaire « La banane » de Franck Bieleu, mardi, 26 avril à 16h à la Fondation Muna à Yaoundé. Ils ont signifié au directeur de l'établissement l'interdiction de diffuser du sous-préfet de Yaoundé Ier. Conséquence, l'avant-première annoncée n'a pas eu lieu, alors qu'une cinquantaine de personnes était mobilisée à cet effet. Le programme de la soirée prévoyait la projection du film et une discussion sur le thème : « La problématique foncière et les conditions de travail au Cameroun ».

« La banane » s'intéresse au sort des près de 6000 ouvriers qui travaillent dans les bananeraies de la Plantation du Haut Penja (Php). D'après le dossier de presse parvenu à notre rédaction, « la rémunération dans la banane est des plus dérisoires. La moyenne étant d'environ 25 000Fcfa par mois pour un travail à la tâche et non à l'heure ». De plus, avec l'épandage des pesticides, les risques sanitaires sont nombreux dans ces plantations et aux alentours, les risques environnementaux également.

Le film s'intéresse aussi à la problématique foncière. Il montre que la Php, qui, au départ, détenait une superficie réduite, a, avec la complicité des élites locales, des élus régionaux et nationaux, fini par en acquérir de grandes, après l'expropriation des petits exploitants. Pour terminer, le documentaire interroge la nature et l'ampleur des retombées économiques positives de ces opérations pour le développement du Cameroun. « La banane » s'appuie sur des témoignages des employés et ex-employés de la Php, les responsables de l'entreprise n'ayant pas accepté de parler.

Franck Bieleu, réalisateur et producteur du film dont le budget se chiffre à 20 millions de Fcfa, n'a pas manqué de dire son indignation: « Je me sens frustré. Pour être cinéaste au Cameroun, il faut vraiment le vouloir. Je ne fais pas ce film pour taper sur les doigts, c'est ma façon de participer à la vie de mon pays. Je m'endette pour faire un film et on me dit qu'un sous-préfet dans son bureau l'a interdit !». Le cinéaste qui compte quatre longs métrages à son actif reconnaît cependant n'avoir pas demandé d'autorisation de diffuser auprès du ministère de la Culture. « C'était une projection restreinte. Le film n'est pas fini. Je voulais juste avoir les critiques des journalistes pour le perfectionner, avant de le sortir », explique-t-il.

La projection d'hier était organisée en partenariat avec quatre organisations de la société civile: la Coalition souveraineté alimentaire Cameroun (Cosac), L'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), le Réseau de lutte contre la faim au Cameroun (Relufa) et le Centre pour l'environnement et le développement (Ced).

L'interdiction de projeter de « La banane » intervient après l'interdiction du Festival international du film des droits de l'homme par le préfet du Mfoundi, le 11 avril dernier.

Stéphanie Dongmo

mercredi 27 avril 2011

Musique: Valsero s'en va en guerre

Le rappeur engagé revient avec un single, dans lequel il demande aux Africains de se mobiliser pour barrer la voie à la communauté internationale.


Valsero voit désormais grand. Plus indigné que jamais, le rappeur revient avec un nouveau single qui s'ouvre aux problématiques africaines, tout en continuant à dénoncer. Produit par le mouvement « Valsero et les enfants de la révolution », dans le cadre de son projet « Liberté pour l'Afrique », le single de deux titres sort officiellement le 19 mai 2011. Avec ses textes incisifs et courageux, qui épousent les thématiques actuelles, le rappeur dit vouloir s'impliquer dans la reconstruction de l'Afrique.

« J'en veux » est le premier titre inédit de ce single. L'artiste, que ses fans ont surnommé Général, y porte le cri des Africains qui en ont marre de vivre « libres mais enchaînés ». De sa voix rocailleuse, il balance des volées de bois vert à tous ceux qui ont une part de responsabilité dans cette situation. Chacun en prend pour son grade: la communauté internationale pour son ingérence, l'Occident pour son manque d'humanisme, les présidents africains complices de l'impérialisme occidental, la société civile qui reste muette, les multinationales jouisseuses de richesses africaines. Valsero n'épargne pas même la jeunesse dont il s'est souvent fait le porte-parole, et l'accuse de défaitisme. Il va plus loin et s'assène un coup de massue, pour aimer tant « remuer la merde ». Dans son texte, des bips viennent parfois taire des mots grossiers qu'il balance. Déchaîné, Valsero ? Absolument.

Onu, persona non grata

L'artiste, qui s'inspire de l'actualité mondiale, a suivi de près la crise ivoirienne. Voyant la passion qu'elle suscitait au Cameroun, il s'est souvenu de ce qu'Alpha Blondy lui a dit un jour : « Valsero, faut jamais laisser rentrer l'Onu chez vous. Une fois que l'Onu entre chez vous, vous perdez le contrôle de votre pays, parce que derrière le manteau des soldats de la paix, il existe toujours la guerre ». Ces paroles lui inspirent la chanson « Freedom », dans laquelle il demande à la communauté internationale de laisser l'Afrique gérer ses problèmes. « Si aujourd'hui l'Afrique se transforme en un bain de sang, c'est parce que la communauté internationale pratique bien la technique d'attiser la flamme », soutient-il. Ainsi, il appelle les Africains à se mobiliser face aux « envahisseurs », en l'occurrence les soldats de la paix, qu'il qualifie de « vendeurs d'illusion ».

Contrairement aux millions de jeunes camerounais qui « ne savent que subir en silence dans les bars, tout en rêvant de l'étranger », Valsero, lui, veut regarder la réalité bien en face, aussi laide qu'elle soit. Ayant touché cette laideur du doigt, il dénonce avec ses tripes. Cette hargne, il la partage avec une dizaine d'autres jeunes qui forment le mouvement « Valsero et les enfants de la révolution ». Une organisation qui, sans être une association, combat la corruption et appelle les jeunes à s'inscrire massivement sur les listes électorales, en vue de la présidentielle de cette année.

Après « Autopsie » en 2010, « Réponds » en 2009 et « Lettre au président » en 2008, Gaston Ebe, de son vrai nom, marque une nouvelle étape dans sa carrière en s'ouvrant au monde, de la Chine en Israël, en passant par l'Afrique. Les dirigeants camerounais auxquels il n'a jamais fait de cadeau dans ses précédents morceaux peuvent souffler. Ouf ! Mais pas trop vite. Car, dit Valsero, « parler de l'Afrique, c'est parler du Cameroun ».

Stéphanie Dongmo



mardi 26 avril 2011

Musique : Un nouveau groupe dans la place

Pa2nem sera officiellement lancé le 4 mai 2011 à Yaoundé, à l'occasion de la sortie de son premier album.


Ils sont jeunes, talentueux, ambitieux et beaux, ce qui ne gâche rien. Ils portent des dreadlocks et s'habillent volontiers en jeans et blousons en cuir. Etienne Eben, 33 ans, Otis, 30 ans, Le Shegall, 26 ans et Priscelia Nchare, 23 ans, sont les quatre membres de Pa2nem [lisez pas de name]. Nouvellement constitué, le groupe de musique sera officiellement présenté le 4 mai 2011 au cours d'un café concert à l'Institut Goethe de Yaoundé, en même temps que son premier album de 10 titres, en préparation, baptisé « Enyin » (la vie, en bulu).

Tout est parti d'une rencontre entre Etienne Eben Essian et Blanche Nchare, qui a adopté Priscelia comme prénom d'artiste. « On s'est dit, puisqu'on partage la même passion, pourquoi ne pas former un duo? » Priscelia chante, tandis qu'Etienne joue de la guitare. A partir de septembre 2010, le duo se fait accompagner sur scène par un percussionniste, Patrick Njioungang Detchouta, dit Le Shegall. Un mois plus tard, il est intégré, le duo devient un trio baptisé Enyin. Puis arrive un quatrième membre. Otis, de son vrai nom Dieudonné Nyamngoub, est pianiste et guitariste. Le groupe ainsi formé décide de changer d'appellation. «Enyin fait référence à une identité ethnique bulu. Or, nous venons d'aires culturelles différentes», explique Etienne Eben. Le groupe choisit donc Pa2nem. Une appellation neutre inspiré du camfranglais, qu'il dit correspondre à sa musique.

Ni nom, ni genre

Car, aussi bien qu'il n'a pas de nom, le groupe n'a pas de genre musical défini. Rap, slam, reggae, afro pop et ethno groove sont quelques rythmes qui constituent son répertoire, de même que la musique instrumentale et la chanson en a cappella. « On fait ce qu'on sent, on ne voudrait pas être prisonnier d'un genre, d'un style », clame Etienne Eben. Pa2nem a des ambitions : faire le tour du Cameroun, d'abord, et seulement ensuite, le tour du monde. « Pour cela, nous devons garder la tête froide », assure Etienne Eben. « C'est un combat et un rêve qu'on est seul à faire », renchérit Priscelia Nchare. «On a une façon commune de penser. Notre raison de vivre, c'est le groupe, on veut passer un message d'union et d'amour dans un monde essentiellement dirigé par l'individualisme », ajoute Otis.

Les trois artistes avaient déjà formé, entre 2005 et 2008, le groupe de musique Dawn, qui a fini par mourir. Malgré cette expérience non concluante, Priscelia Nchare se dit confiante quant au succès de Pa2nem : «Aujourd'hui, nous sommes plus disciplinés. Nous partons sur beaucoup d'humilité et de travail. Nous allons rencontrer des obstacles, mais nous allons nous épauler ». Pour ne pas se marcher sur les pieds, le groupe a adopté une répartition claire du travail : « Quand il faut équilibrer les voix, c'est Otis ; les arrangements sont faits par Priscelia. Lorsqu'il s'agit des idées, de couleurs, c'est Le Shegall qui intervient. L'écriture des textes est laissée à Etienne Eben », explique ce dernier.

Chacun des membres du groupe compte plusieurs cordes à son arc. Etienne Eben est comédien et acteur; Otis est comédien et dessinateur; Le Shegall est peintre et photographe ; ancien mannequin, Priscelia Nchare est aussi comédienne. Malgré ces autres occupations, tous disent vouloir se consacrer pleinement au succès de Pa2nem.

Stéphanie Dongmo


Agenda de la semaine

Mardi, 26 avril

Cinéma : Projection restreinte du film « La banane », ce mardi 26 avril, à 16h à la Fondation Muna, à Yaoundé. Le documentaire de Franck Bieleu décrie la « maltraitance » des travailleurs camerounais sous-payés dans les plantations de la PHP à Penja, ainsi que la subordination des autorités politiques et administrative à cette entreprise. La projection sera suivie d'un débat sur la problématique foncière et les conditions de travail au Cameroun.

Mercredi, 27 avril

Documentaire. Dans le cadre du « film klub » de l'Institut Goethe de Yaoundé, mercredi 27 avril à 17h, quatre court-métrages issus de l'atelier de formation de la dernière édition du festival Images en live seront projetés, en présence de leurs réalisateurs. Il s'agit de « Ban nem » (endurance) de Joseph Ndjomm, « Moto taxi » d'Ahmadou Issa, « Ta'aga njoum womo » (la cigarette de mon époux) de Marie Désirée Nogo et « Est-ce possible? » de Jean Marcel Kpoimie Lindou.

Vendredi, 29 avril

Rencontre. Les assises de l'Union catholique internationale de la presse (Ucip) s'ouvrent à Mvolyé Yaoundé le vendredi 29 avril, et s'achèvent le 03 mai. Organisées par la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, ces assisses vont plancher sur les médias et l'éducation à la citoyenneté.

Conférence. Le Centre d'études stratégiques pour la promotion de la paix et du développement (Caped), que dirige Alain Fogue Tedom, organise, vendredi 29 avril 2011 à 15h, une conférence. Elle portera sur la motion de soutien adressée à Paul Biya par certains universitaires camerounais. La rencontre se tiendra au restaurant Le mont Cameroun, sis à Mvog Mbi à Yaoundé.

Humour. La compagnie Noctiluk organise un spectacle de rire vendredi 29 avril à 19h au Centre culturel Hell, situé au lieu dit Ben le boucher à Essos à Yaoundé. Le spectacle baptisé « Coup d'Etat » met en scène deux jeunes humoristes : Amadou Bouna et Basseek Fils. La régie sera assurée par Sosthène Roger Zé.

Les gens : Pascal Boniface est au Cameroun

Géopolitologue, écrivain et éditorialiste français, il donne une série de conférences aujourd'hui et demain à Yaoundé.

« Football et mondialisation », c'est le thème d'une conférence que donne Pascal Boniface, demain 27 avril à 14h30 au Centre culturel français de Yaoundé. Avant cela, dans la matinée, il donnera une conférence à l'École de guerre sur le thème « Le printemps arabe et ses conséquences ». Aujourd'hui, le géopolitologue français va participer aux célébrations du 40ème anniversaire de l'Institut des relations internationales du Cameroun (Iric). Il va y prononcer une conférence inaugurale sur le thème « Les bouleversements de l'ordre stratégiques mondial ».

Né en 1956 en France, Pascal Boniface est le directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris (Iris). Il dirige également La revue internationale et stratégique et L'Année stratégique. Écrivain, Pascal Boniface compte une quarantaine d'ouvrages. Ses livres portent sur les relations internationales, les questions nucléaires, le désarmement, la politique étrangère de la France et aussi l'impact du sport dans les relations internationales. Dans ce dernier domaine, il a publié « Football et mondialisation » (2006, Armand Colin) et, avec Hervé Mathoux, il a co-écrit « La coupe du monde dans tous ses états » (2010, Larousse). Il préside d'ailleurs le Prix de l'Union des clubs professionnels de football. Pascal Boniface est aussi éditorialiste. Il signe notamment dans l'hebdomadaire marocain Actuel et dans les quotidiens La Croix, en France, Vanguardia, en Espagne et El Ittihad, aux Emirats arabes unis.

Stéphanie Dongmo

lundi 25 avril 2011

Roman : Parents généreux, enfants ingrats


Dans « Chagrins de parents », Jean Aimé Ribal décrie la misère d'une femme vieille, pauvre et malade, abandonnée par ses trois enfants.


Dans les sociétés africaines, il est généralement admis que faire des enfants est une assurance pour ses vieux jours. Flore Maguip à Nkonen, l'héroïne du roman « Chagrins de parents » de Jean Aimé Ribal, publié en 2010 chez L'Harmattan, le croyait aussi. Jusqu'au moment où, vieille, pauvre et malade, elle est complètement délaissée par ses enfants auxquels elle a pourtant donné tout son amour et toute sa fortune.

Veuve à seulement 26 ans, Flore Maguip à Nkonen décide de ne pas se remarier pour se consacrer entièrement à ses enfants, qu'elle élève seule, grâce au commerce de vivres. Elle leur donne énormément d'amour, beaucoup d'argent et peu de gifles. Au prix d'énormes sacrifices, elle envoie ses deux fils étudier en France. A sa fille, elle offre un mariage princier. Elle est encore là pour les relever chaque fois qu'ils tombent. Elle finit par leur céder toute sa fortune. Démunie et affaiblie par le temps, Flore Maguip à Nkonen est détestée par ses beaux-enfants. Ses enfants ne la mettent pas en maison de retraite, mais l'écartent de leur vie et se désintéressent de son sort. L'infortunée mère se réfugie dans son village, où elle vit misérablement. Lorsqu'elle tombe malade, aucun de ses enfants ne lui tend une main secourable. Maguip à Nkonen décède finalement, seule, sans soins.

Aussitôt informés de son décès, ses enfants se précipitent au chevet de la morte. Eux qui se sont le moins souciés d'elle pendant sa maladie, sont ceux qui la pleurent le plus. Ils ne lésinent sur aucun moyen pour lui organiser un enterrement grandiose. Morte dans le dénuement, Maguip à Nkonen est enterrée dans l'abondance.

« Parricide silencieux »

L'informaticien Jean Aimé Ribal, dans ce premier ouvrage émouvant financé par la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), met le doigt sur un phénomène social dont on parle peu. Son roman est inspiré d'une historie vraie, dans laquelle les parents sont pourvoyeurs, jamais receveurs. Ce qu'il qualifie de « parricide silencieux ». Dépité, il s'interroge : « L'amour serait-il un ruisseau qui coule généreusement d'amont en aval, des parents vers les fils, sans jamais se soucier de remonter son cours? » Aux enfants, « Chagrins de parents » fait cette recommandation que l'on trouve dans toutes les religions du monde : « Tu honoreras ton père et ta mère ». Mais conscient que « l'ingratitude est le premier défaut naturel de l'homme », Jean Aimé Ribal donne, en filigrane, ces conseils aux parents : dépensez pour vos enfants le strict nécessaire, en faisant des économies pour vos vieux jours ; ne léguez votre fortune qu'après votre mort, pour être sûrs que vos enfants, cupides qu'ils sont, ne s'éloigneront pas de vous.

Mais comment se méfier de nos enfants qui sont la prunelle de nos yeux ? Comment refuser nos richesses matérielles aux personnes qui sont notre richesse la plus chère ? L'adoption d'un code de la famille et des personnes, annoncé au Cameroun depuis 1997, permettra peut-être de résorber ce problème en consacrant la protection des ascendants par les descendants.

Stéphanie Dongmo


Jean Aimé Ribal

Chagrins de parents (roman)

L'Harmattan Cameroun

2010, 225 pages


dimanche 10 avril 2011


Bruno Gain:« La diplomatie culturelle de la France doit être plus visible »

L'ambassadeur de France au Cameroun parle du rattachement des Centres culturels français de Yaoundé et de Douala à l'Institut français de Paris à partir du 1er janvier 2012 ; il fait également le bilan de la politique culturelle de la France au Cameroun.


Vous avez annoncé, le 15 mars 2011, au cours du vernissage de l'exposition « Frontières » à Yaoundé, que les Centres culturels français de Yaoundé et de Douala allaient devenir un institut français. Concrètement, qu'est-ce qui va changer ?

Ce changement de statut est la conséquence de la réforme en profondeur de notre diplomatie culturelle voulue par le président Sarkozy. Il n’y aura plus désormais qu’un opérateur culturel. Le Centre culturel français (Ccf) de Yaoundé et celui de Douala seront fusionnés dans une seule entité : l’Institut français, enseigne unique qui fédèrera les deux établissements. Il y aura désormais une unité de direction. Le futur Institut français sera piloté par le conseiller de coopération et d’action culturelle de notre ambassade qui aura ainsi une bien meilleure vision transversale et globale de notre politique culturelle au Cameroun qu’il ne l’avait jusqu’à présent.

Pour ce qui est de notre implantation à Douala, une chose est certaine, elle sera maintenue dans ses locaux actuels en tant qu’antenne de l’institut, mais avec un dispositif rénové pour adapter ses activités et développer ses ressources propres. Nous procéderons très prochainement à la nomination de deux nouveaux directeurs chargés des antennes de Yaoundé et de Douala qui seront placés sous l’autorité du conseiller de coopération et d’action culturelle.

Qu'est-ce qui a motivé cette mutation ?

Le monde change. Il évolue et se transforme. Le rôle d’un pays ne se résume pas seulement à la force de son économie, à ses capacités militaires, à sa place dans les institutions de gouvernance internationale. Il se mesure à la « puissance douce », à ce « soft power » qui revêt davantage d’importance dans le monde d’aujourd’hui : un monde où idées, mots, savoirs, images et sons circulent à une vitesse accélérée. Les productions de l’esprit jouent désormais un rôle décisif dans cette évolution. Il nous a paru important, au Cameroun comme ailleurs, d’en tenir compte, d’abord en recentrant notre action sur ce champ immense de la culture et de la connaissance, mais également en étant davantage lisible, sous la seule bannière de ce nouvel Institut français qui sera rattaché à l’Institut français de Paris. Il s’agit de faire en sorte que notre diplomatie culturelle soit plus visible et davantage cohérente au sein d’un dispositif intégré.

Comment va s'opérer cette mutation?

Depuis le 1er janvier 2011, l’Institut français, opérateur du ministère des Affaires étrangères et européennes pour l’action extérieure de la France, s’est substitué à l’association CulturesFrance, avec un périmètre d’action élargi. Il devra à la fois promouvoir les artistes et les opérateurs culturels français à l’étranger, prendre une part active aux débats d’idées, en particulier sur les grands enjeux de société et les questions globales qui engagent notre avenir commun, mais aussi soutenir le développement culturel de pays comme le Cameroun. Nous le faisons du reste ici, à travers un « C2D Culture » qui va lancer une importante étude sur l’économie de la culture dans ce pays. Nous veillerons aussi à mettre en place des programmations visant à promouvoir la diversité culturelle en aidant les artistes camerounais et africains à mieux se faire connaître et à diffuser leurs œuvres.

Quel sera le statut du personnel, doit-on craindre une réduction des effectifs ?

On va fusionner l'ensemble des entités culturelles au Cameroun : le service de coopération de l'ambassade et les Centres culturels français de Yaoundé et de Douala. Les agents qui dépendaient de ces différentes entités vont désormais dépendre de l'Institut français du Cameroun. Il n'y aura pas de changement en terme numérique, ce sera plutôt un réaménagement.

Le 30 décembre 2010, l'Assemblée nationale française a adopté un texte relatif à l'action extérieure de la France qui crée l'Institut français, un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) qui reprend les activités de CulturesFrance. Qu'implique ce statut ?

Le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) donnera à l’Institut français une large autonomie de gestion, une plus grande liberté de manœuvre lui permettant de générer davantage d’autofinancement et d’associer plus facilement des partenaires privés à ses activités. Il s’agit de pouvoir mobiliser des fonds de toute nature. Il ne faut pas oublier que la culture, c’est aussi une industrie à part entière, un secteur économique. On a trop souvent tendance à perdre de vue l’impact financier que peuvent avoir des productions intellectuelles, que ce soit dans le domaine du cinéma, de la littérature, de l’architecture ou des arts plastiques. Ce sont des activités économiques créatrices de richesses et d’emplois.

En quoi l'Institut français sera-t-il différent de CulturesFrance ?

En créant l’Institut français, le gouvernement français a en effet souhaité confier à une même agence la promotion de l’action culturelle extérieure de la France dans tous ses domaines. L’institut reprend les missions jusque-là assurées par CulturesFrance : la promotion et l’accompagnement à l’étranger de la culture française et de la création contemporaine, le développement des échanges avec les autres cultures, le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel, le soutien à la circulation des écrits et des auteurs francophones. A cela s’ajoutent trois nouvelles missions : la promotion des idées, des savoirs et de la culture scientifique et technologique française, la promotion et le soutien à l’enseignement de la langue française, le conseil et la formation professionnelle des personnels du réseau culturel français à l’étranger. Ainsi, l’Institut français aura-t-il pour vocation, non seulement de reprendre les anciennes activités traditionnelles de CulturesFrance, mais d’ancrer davantage encore sa présence et son action dans le domaine du débat d’idées et de la diffusion de la culture scientifique, avec une vision élargie de la culture, dans une optique de réciprocité qui est conforme à notre souci constant d’encourager la circulation des savoirs.

L'Institut français est placé sous la tutelle du ministère français des Affaires étrangères, alors que CulturesFrance dépendait à la fois du ministère de la Culture et du Quay d'Orsay. Est-ce à dire que l'action culturelle de la France sera plus politisée ?

L'Institut français est effectivement l’opérateur du seul ministère des Affaires étrangères et européennes pour ses actions à caractère culturel. Il a pour mission d’apporter aux orientations diplomatiques de la France le soutien et les moyens de l’action culturelle. Ce qui ne veut pas dire que le ministère de la Culture ne sera pas consulté. Évidemment, il sera associé à nos décisions. Le développement de partenariats avec cette administration, comme avec d’autres institutions, sera au cœur de notre action. l’Institut français collaborera aussi avec les organisations européennes et internationales. Il sera également à l’écoute des établissements culturels publics français et des organisations professionnelles concernées par l’exportation des industries culturelles et créatives françaises ainsi qu’avec d’autres partenaires publics et privés. Mais au-delà des aspects purement institutionnels de votre question, on ne peut pas dire que notre action culturelle « sera plus politisée » ; bien au contraire, je renverserai votre formule en observant que c’est l’action extérieure de la France, qui, à l’avenir va s’imprégner bien davantage du culturel!

D'où viendront les financements de l'Institut français?

Le budget est stabilisé jusqu'en 2013 à travers un contrat d’objectifs et de moyens. Des crédits budgétaires additionnels de 100 millions d'euros [environ 65,6 milliards Fcfa] sur cinq ans (2009-2013) accompagnent la création de la nouvelle agence. Ces nouveaux crédits permettront également de doter d'équipements numériques les instituts à l'étranger et d'accompagner leur professionnalisation.

Quelle sera la place de l'Afrique dans ce nouveau dispositif ?

Le monde africain se distingue par sa riche créativité artistique mais fait encore face à un manque de moyens matériels. On assiste, par exemple, depuis 15 ans, à une quasi disparition des lieux de diffusion du cinéma en Afrique. C’est pourquoi l’Institut français s’implique dans la diffusion et la conservation du patrimoine cinématographique africain et essaie de constituer une cinémathèque « Afrique ». Il développe aussi un projet de diffusion du cinéma français sur le continent. Ici, au Cameroun, nous sommes ainsi partenaires du festival « Ecrans Noirs » depuis sa création, et nous soutenons l’action de cinéastes de talent comme Bassek Ba Kobhio ou Joséphine Ndagnou qui s’efforcent courageusement de promouvoir le 7ème art et de faire en sorte que le Cameroun retrouve enfin des salles de cinéma. L’Institut français dispose également de programmes concernant le livre, avec une présence au salon de Paris en mars dernier.

En construisant ces opérations avec de grandes manifestations ou institutions en France et à l’international, l’Institut français participe au repérage et à la promotion des scènes artistiques, offrant la possibilité de développer des relations constructives entre les milieux professionnels français et internationaux : Rencontres africaines de la photographie à Bamako ; Danse l’Afrique danse ; L’Afrique est à la mode ; etc. Enfin, l’Institut français apporte son soutien à des projets indépendants. Ils peuvent être portés directement par des artistes et des compagnies, des partenaires étrangers ou le réseau culturel français à l’étranger, à travers un dispositif d’appel à projets dans les secteurs du spectacle vivant, des arts visuels ou encore de l’architecture. Ce nouveau dispositif est constitué de deux sessions annuelles afin de répondre avec une plus grande souplesse aux initiatives formulées en cours d’année.

Au Cameroun, quelles seront les missions de l'Institut français ?

Ces lieux de rencontres et d’échanges à Yaoundé comme à Douala sont destinés à la diffusion de la culture française, à la promotion des artistes camerounais et au rayonnement de la Francophonie comme de la diversité culturelle. Il s’agira notamment d’assurer une action culturelle de proximité en faisant de l’Institut français du Cameroun et des Alliances franco-camerounaises les instruments efficaces de la coopération culturelle autour de projets répondant aux besoins des publics locaux. A l’offre locale de spectacles et d’artistes d’excellence doit répondre une offre de prestige française, dont le développement constitue une priorité.

Parlant des Alliances franco-camerounais qui, à l'origine, sont des associations privées dépendant du droit local, quel sera leur nouveau statut ?

Le statut des alliances ne change pas, elles restent des associations privées de droit local. Une fois que le Cameroun ne comptera plus qu’un institut, celui-ci passera une convention avec les alliances. Nous avons besoin des alliances. Pour beaucoup d’entre elles, leurs acteurs sont animés d’une passion formidable et ces deux réseaux sont complémentaires.

L'Alliance de Ngaoundéré a fermé depuis quelques années...

Les alliances sont à part, parce que, bien évidemment, elles sont gérées par des associations camerounaises au Cameroun, elles ne sont pas dans le même périmètre que l'Institut français. On continuera à avoir des alliances partout où des Camerounais vont souhaiter porter ces alliances ;leur dynamisme varie en fonction de la volonté et de l'enthousiasme ou non des ressortissants qui les portent. A Ngaoundéré justement, il y a avait une alliance qui a fermé, mais on sent bien qu'il y a un frémissement et qu'elle souhaiterait renaître de ses cendres, à Garoua, Dschang, Bamenda, ça marche bien, à Buéa, ça marche moins bien. C'est à ceux qui gèrent ces alliances de leur insuffler davantage de dynamisme. Pour les alliances, on procède par subvention, et ces subventions continueront. C'est hors périmètre de l'Institut français avec en même temps une attention toute particulière apportée aux liens qui existent.

La phase expérimentale de l'implantation de l'Institut français devra se dérouler sur trois ans. 13 pays ont été choisis à cet effet, dont le Sénégal et le Ghana en Afrique. A quel niveau se situe le passage des Ccf du Cameroun à Institut français ?

En 2011, les instituts de treize pays ont été rattachés directement à l’Institut français. En s’appuyant sur cette expérience et les enseignements qui en ont été tirés, le processus se poursuit, jusqu’à l’intégration de la totalité des instituts français dans le monde. Pour le Cameroun, c’est au 1er janvier 2012 que nous verrons naître l’Institut français du Cameroun.

A ce jour, quel est le bilan de l'action culturelle de la France au Cameroun?

Notre action culturelle a pour vocation de contribuer à l’élaboration d’une politique culturelle publique ayant des effets économiques positifs (développement des entreprises culturelles et des industries créatives). Elle vise aussi à l’aménagement culturel des territoires par un partenariat basé sur le conseil et l’expertise avec le ministère de la Culture et les collectivités territoriales. Dans le cadre du C2D, des fonds ont été alloués afin d’effectuer une étude sur l’économie de la culture. Il s’agira par la suite d’en tirer les conséquences appropriées en terme de coopération.

Dans le domaine des arts plastiques, nous poursuivons avec détermination une politique d’échange avec des expositions d‘art contemporain de très haut niveau montées avec le concours d’institutions aussi prestigieuses que le Centre national des arts appliqués et le Fonds national d’art contemporain.

Promouvoir la langue française dans le contexte du bilinguisme officiel du Cameroun reste un objectif. Nous continuerons à nous appuyer sur les ressources des établissements d’enseignement à programme français et les Alliances franco-camerounaises, des opérateurs publics et privés d’enseignement et des associations francophones. Je le concède, beaucoup reste à faire. Le peu d’opérateurs culturels et surtout le manque d’infrastructures nous mettent trop souvent dans une situation de substitution. Nous souhaitons en tout état de cause accompagner les autorités camerounaises compétentes en ce domaine sans aucunement empiéter sur leur mission d’appui au développement et à la diffusion de la culture nationale.


Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

jeudi 7 avril 2011

Agenda du week-end

Vendredi, 8 avril

Conférence de presse. Les organisateurs du festival international du film des droits de l'homme rencontrent les journalistes à 10h au Ccf de Yaoundé. A l'ordre du jour, l'organisation de la 1ère édition de cet événement du 12 au 17 avril prochains.

Cinéma. Le film « La noire de... » (1966) du Sénégalais Sembène Ousmane sera projeté à l'Alliance franco-camerounaise de Garoua à 19h. Diouna est engagée par un couple de bourgeois Blancs pour s'occuper de leurs enfants. Elle les accompagne en France pour les vacances et une fois là-bas, les choses changent.

Exposition d'art contemporain « Visages » se poursuit au Ccf de Yaoundé jusqu'au 31 mai prochain. Elle présente 55 œuvres de 34 artistes internationaux : dessin, peinture, estampe, photographie et installation au programme.

Rencontre. Cameroon art critics, l'association des journalistes culturels du Cameroun, organise à 15h une rencontre avec Haman Mana, directeur de la publication du Jour et promoteur des éditions du Schabel. La rencontre qui rentre dans le cadre des activités de Camac se tiendra au siège du Schabel à Yaoundé, derrière la chambre de commerce.


Samedi, 9 avril

Musique. Concert de musique religieuse donné par les Gospel singers samedi à 19h au Théâtre de Verdure à Garoua. Le groupe est composé de 40 choristes.

Concert. Bibi Tanga et The Selenites sont en tournée régionale. Ils s'arrêtent samedi à 20h au Ccf de Douala pour présenter leur album « Dunya ». Originaire de Bangui, « Bibi a grandi entre deux continents et plusieurs cultures musicales », explique l'affiche du concert.

mercredi 6 avril 2011

Dédicace : Calvaire de femme mariée


La députée Tomaino Ndam Njoya vient de publier « L'enfer rose », un roman qui raconte les déboires d'une épouse acculée au divorce.

La dédicace de « L'enfer rose » de Patricia Tomaino Ndam Njoya a été très courue. Au rang des personnalités présentes, le ministre de la Promotion de la femme et de la Famille, Marie-Thérèse Abena Ondoua, le ministre de l'Économie, du Plan et de l'Aménagement du territoire, Louis-Paul Motaze, les ambassadeurs d'Israël, d'Espagne, le haut commissaire du Canada, les députés et le président de l'Union démocratique du Cameroun (Udc), Adamou Ndam Njoya.
Paru chez l'Harmattan, « L'enfer rose » est sorti le 9 mars à Paris. Le livre vendu à 15 000Fcfa est un roman de 276 pages. Il peint l'histoire d'un amour qui se termine par un drame entre Olivier, pharmacien, et Victoria, ménagère. Après cinq ans de mariage et cinq enfants, Victoria apprend à ses dépens que le mariage est «une longue bêtise ». Elle finit par demander le divorce, mais son mari refuse de lui verser l'argent demandé par le juge.
Dans ce livre, la députée Udc appelle à la reconsidération du rôle de la femme auprès de l'homme. Au passage, elle dénonce une justice corrompue. Toutes choses que le Code des personnes et de la famille devrait permettre de résoudre. Marie-Thérèse Abena Ondoua a, pour sa part, souhaiter que cet instrument juridique voie bientôt le jour. Tomaino Ndam Njoya est l'auteure des « Elections bancales au Cameroun de A à Z », paru en 2004.

Cinéma: Les prévaricateurs de la presse


Le film « 139... Les derniers prédateurs » de Richard Djif est un appel à la liberté des médias en Afrique.


Le 13 décembre 1998, la presse africaine reste sans voix face à l'assassinat du journaliste burkinabé Norbert Zongo. Richard Djimeli Fouofié, alors étudiant, est sous le choc. Lui qui aspirait à écrire un roman sur la déontologie journalistique décide dès lors de faire un film sur les exactions envers les professionnels du « plus beau métier du monde ». Le 21 octobre 2003, le meurtre du journaliste de Rfi, Jean Hélène, à Abidjan, le conforte dans ce projet. Après plusieurs années de tâtonnement, il finit par rassembler assez d'argent pour se lancer dans le cinéma, et prend pour nom d'artiste Djif. Péniblement, le tournage et la post-production sont bouclés. Le film a été présenté à la presse le 30 mars dernier à Yaoundé.
Richard Djif avait tout pour faire un film acceptable: un sujet intéressant et d'actualité, des acteurs ayant une certaine expérience (André Bang, Jacobin Yarro, André Bomo Bomo) et prêts à tout donner. Mais le film a péché par une direction d'acteurs complaisante et inexpérimentée. Ecrit, réalisé et produit par Richard Djif, qui y tient également le premier rôle, « 139... Les derniers prédateurs » nous entraîne dans un pays imaginaire d'Afrique, Le Chimpanz. Dans ce pays où la démocratie est un « luxe » et le journalisme un « métier de trop », règne, depuis 139 ans, un dictateur nommé Grand papa Ndem. Malgré l'environnement hostile, un journaliste de Radio frontières illimitées, John Hélézong, qu'accompagne son cameraman, décide de faire son métier envers et contre tout. Il échappe aux griffes des hommes de Grand papa Ndem et même du prédateur Nirien, opposant entré en rébellion. Grâce à Black, le conseiller du chef de l'Etat, Nirien n'accèdera pas au pouvoir à la mort tragique de Grand papa Ndem, laissant ainsi la place à l'espoir.
Ce long métrage de 1h29mn, tourné en numérique, est un roman ouvert que l'on lit au fur et à mesure des pages. Il trahit toutes les aspirations de son auteur : ses rêves d'écriture, sa passion pour le journalisme et son amour pour Radio France internationale.
Stéphanie Dongmo

lundi 4 avril 2011

Jean-Claude Awono : « Il n'y a pas un marché de la poésie au Cameroun »

Poète, critique littéraire et président de l'association la Ronde des poètes, il parle de la situation de ce genre littéraire au Cameroun, à l'occasion de la Journée mondiale de la poésie qui s'est célébrée le 21 mars 2011.


Existe-t-il une poésie camerounaise?

Cette question ne se pose plus, la poésie camerounaise est une évidence. Il y a une historie de la poésie camerounaise, il y a des figures fortes, compétitives de cette poésie, il y a une production éditoriale. Quel que soit l'aspect de l'institution poétique qu'on puisse prendre, on va constater qu'effectivement, la poésie existe et est vivante au Cameroun. C'est la réception du travail des poètes qui fait encore défaut, mais la production et la mobilisation des acteurs qui donnent vie à la poésie est là.

Quelle est l'histoire de la poésie au Cameroun?

On peut remonter très loin, si on considère que la poésie est d'abord une expression orale. Quand on creuse dans l'histoire, on est émerveillé par la production orale poétique, le Cameroun a produit des épopées. Déjà, avant l'indépendance, dans les années 1930, Isaac Moumé Etia avait publié des fables du Cameroun. Après, on connaît le travail fait par l'Association des poètes et écrivains du Cameroun (Apec) avec René Philombe et les autres. Dans le cadre de cette association, il y a toute une critique qui s'est mise en place, les écrivains et les poètes ne se contentaient pas seulement d'écrire. Et Dieu seul sait que c'est la critique qui fait avancer l'écriture, qui fait qu'on prenne conscience des limites du niveau d'écriture et qu'on essaie d'envisager l'avenir avec beaucoup plus sérénité.

Que reste-t-il de l'héritage de ces premiers poètes ?

Cet héritage est difficilement appréciable pour qui n'a pas fait l'effort d'aller chercher dans les racines, parce qu'il n'y a véritablement pas de document. Les poètes tels Louis Marie Pouka et Jeanne Ngo Maï ont produit, mais il n'y a eu pas de récupération sociale de ce travail pour le prolonger et le projeter dans l'avenir. Mais, depuis qu'elle existe, La Ronde des poètes s'est lancée dans ce travail de quête des origines de la poésie camerounaise. On a essayé de rétablir les ponts en publiant une revue [Hiotiti, ndrl]. Il y a, en même temps, une sorte de pont que nous avons pu percevoir entre les premières générations et les générations actuelles, qui sont soudées par une génération intermédiaire constituée d'auteurs tels Patrice Kayo, Fernando d'Almeida et autres. C'est une écriture dynamique qui se renouvelle.

Quelles sont les figures actuelle de cette écriture ?

C'est difficile de les citer... Parmi les pionniers, il y a Patrice Kayo qui est là. Le maître de la poésie, Fernando d'Almeida, est là aussi. On peut également citer les jeunes loups comme Wilfried Menye, qui est membre de la Ronde des poètes. On ne peut pas oublier ceux de la diaspora, notamment Paul Dakeyo qui est de la génération intermédiaire et qui vit en France. Par ailleurs, il y a un boom éditorial. Les poètes sont de plus en plus nombreux à publier et il y a beaucoup de qualité dedans. C'est cette force collective qu'il faut surtout considérer comme grande figure.

A la fin des années 90, vous-même, Jean-Claude Awono, Angeline Solange Bonono et Marie-Claire Dati étiez considérés comme faisant partie de la jeune génération de poètes. Cette génération-là est-elle dépassée ?

Elle ne peut pas être considérée comme dépassée; il y a seulement une dispersion spatiale. Marie-Claire Dati est partie en Éthiopie, Angeline Solange Bonono est en France. Du coup, la visibilité qui était assurée à leurs œuvres est quelque peu réduite, mais cela n'enlève absolument rien à leur pertinence. On ne peut pas parler de poésie camerounaise d'aujourd'hui en mettant de côté ces figures, même si, honnêtement, nous attendons qu'Angeline revienne à la poésie. Elle s'en est écartée en s'investissant davantage dans le roman. Pourtant, c'est la poésie qui l'a révélée.

Vous même, votre dernière publication remonte à 2007...

Depuis 2007, j'ai publié beaucoup d'autres auteurs, en restant moi-même à l'écart. Mais je reviens à l'édition. Je pense qu'avant la fin de cette année 2011, j'aurai publié pas mal d'ouvrages que j'ai dans les tiroirs.

Parlent d'édition, y a-t-il un marché de la poésie au Cameroun ?

Il n'y a pas de marché de la poésie en tant que tel. La commercialisation des œuvres de poésie qui sont déposés dans les librairies est très lente, quand elle n'est pas tout simplement inexistante. Le marché de la poésie camerounaise reste à créer. Cependant, pour écouler les livres que nous publions, nous essayons de réduire le volume de production à 500 exemplaires au maximum, ce qui est minime. Par ailleurs, nous travaillons avec l'auteur, qui a, autour de lui, un ensemble de personnes qui lui sont plus ou moins proches et qui sont des acheteurs potentiels. En même temps, nous essayons de rester fidèle au public classique. Il y a quand même une petite frange de la population qui s'intéresse à la poésie et nous l'alimentons en publications.

Vous parlez de la collection « Ronde » que vous dirigez aux éditions Ifrikiya... Combien de recueils de poèmes publiez-vous par an ?

Nous publions en moyenne cinq recueils par an.

L'association La Ronde des poètes du Cameroun est née en 1996. Quels étaient vos objectifs de départ ?

Nous naissons lorsque l'Apec ne se réunit plus, après avoir organisé un concours de poésie dont elle n'a pas révélé les lauréats. Nos objectifs sont alors de contribuer à redonner à l'homme l'initiative de création, qui est un des domaines essentiels de l'expression de la liberté. Dans le même temps, les poètes étaient dispersés, la structure qui les rassemblait jusque-là ne fonctionnait plus. Il fallait les rassembler, relancer l'édition et travailler à restaurer la critique poétique.

En 15 ans d'existence, quel est le bilan de la Ronde des poètes ?

Je suis très mal placé pour dresser un bilan. Cependant, le bilan peut se voir à travers les publications qui sont faites au niveau des éditions Ifrikiya, au niveau d'une action comme celle que nous faisons en direction de la prison [ La Ronde des poètes a organisé une série d'activité à la prison centrale de Yaoundé pour commémorer la Journée mondiale de la poésie, ndlr] et à cette dynamique permanente autour de la poésie. Avec de petites initiatives, la poésie a réussi à rester vivante, à s'interroger, à se remettre en question et donc, à se renouveler.

D'autres associations existent qui font la promotion de la poésie : les Amis de la littérature de Stella Engama, Agbetsi international de Mawoussi Koutodjo, pour ne citer que celles-là. Quel a été l'apport de ces mouvement dans l'évolution de la poésie camerounaise ?

L'œuvre d'Agbetsi international a été déterminante dans la relance de la poésie au Cameroun. C'est elle qui nous a fait comprendre qu'on pouvait se risquer dans l'édition avec peu de moyens. Il faut tirer un coup de chapeau à cette association, même si, depuis quelques années, elle s'est investie dans d'autres domaines que la poésie. L'association les Amis de la littérature aussi a fait un très bon boulot, notamment dans le domaine de l'organisation des salons littéraires, en mobilisant des sommités littéraires et en focalisant leur attention sur la poésie. Mais depuis quelque temps, on ne l'a pas vue beaucoup sur le terrain, l'association cherche sans doute à se renouveler.

Le 21 mars dernier, La Ronde des poètes a célébré la Journée mondiale de la poésie au Cameroun. Que peut-on tirer d'une telle journée ?

Il est d'abord question d'attirer l'attention de la communauté nationale et internationale sur l'importance de la poésie et sur sa place. C'est un plateau en or qu'on nous donne, et qui, malheureusement, n'est pas très bien compris. C'est l'occasion pour les poètes d'aller sur le terrain et dire : nous existons, nous avons contribué à la construction de l'humanité, nous sommes les éveilleurs de la conscience, nous sommes ceux qui portent la conscience. Je crois qu'il est important que les poètes rappellent cela, car, il n'y a véritablement pas de lecture de l'histoire humaine en dehors de la poésie.

Aujourd'hui, on constate que la poésie se greffe à d'autres disciplines artistiques comme la danse, le théâtre, la musique, les arts plastiques... Comment comprendre cette évolution ?

C'est une évolution qui est normale. Il y a une sorte d'éclatement des frontières entre les arts. De plus en plus, il me semble qu'il y a un grand Art, qui est le lieu de convergence de tous les genres. Et la poésie a le devoir de participer à la construction de ce socle artistique universel qui se met en place. Mais cela ne veut pas dire qu'elle doit se dissoudre. Elle devra garder son originalité, son identité qui est d'être toujours un art de création, de revendication qui refuse l'aliénation et choisi les libertés comme mode d'expression et de participation à l'action humanitaire.

Quels sont les problèmes de la poésie camerounaise ?

Ils sont de différents ordres. Le problème de la production ne se pose pas beaucoup, le problème de la publication se pose de moins en moins avec les structures éditoriales qui se multiplient. Le problème, il me semble, c'est au niveau de la diffusion et de la consommation de la poésie. Et aussi de la difficulté des acteurs étatiques à comprendre que la poésie contribue à l'action culturelle. C'est l'un de problèmes les plus cruciaux qui rencontre la poésie dans notre pays : l'institution qui organise la communauté n'est pas encore suffisamment sensibilisée à la poésie, et pourtant, elle est elle-même bénéficiaire des bienfaits de la poésie. Il y a une sorte de retour ingrat.

Comment voyez-vous l'avenir de la poésie dans notre pays?

Le Cameroun va jouer un grand rôle dans le devenir poétique de l'Afrique. On l'a vu avec des mastodontes comme Fernando d'Almeida, qui a un rayonnement universel; avec le travail de René Philombe et celui que fait La Ronde des poètes dans une précarité innommable. On ne peut pas avoir investi autant d'énergie sans espérer un devenir qui soit radieux en termes d'auteurs de race, de présence sur la scène de la production poétique internationale. Je reste convaincu que l'avenir poétique du Cameroun sera radieux.

Quels sont les préalables pour y arriver?

D'abord, que les poètes occupent les espaces qui sont les leurs. Ils doivent également s'organiser, essayer d'être un groupe de pression pour réclamer ce qui leur revient. Les poètes, comme les écrivains, ont leur place qui doit leur être reconnue et mise à contribution de manière beaucoup plus vaste.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo



Bibliographie partielle de Jean-Claude Awono :

  • Flux et reflux d'une foulée de fou, Presses universitaires, Yaoundé, 1999

  • A l'affût du matin rouge, éditions CLE, Yaoundé, 2006.

  • Bouquet de cendre, anthologie de la poésie féminine camerounaise d'expression française, Yaoundé, Ifrikiya, 2007

  • Terre de poètes terre de paix, anthologie des poètes du monde sur la paix, Yaoundé, Ifrikiya, 2007

Jean Roké Patoudem : « Il y a un véritable marché du film en Afrique »

Réalisateur, producteur, distributeur et exportateur de films, le Camerounais parle des conditions de l'éclosion de ce marché et de sa société de production basée en France, Patou films international.


A la dernière édition du Fespaco, deux films que vous avez respectivement co-produit et produit ont été primés. Il s'agit de « Le mec idéal » de l'Ivoirien Owell Brown, Étalon de bronze de Yennenga, et « Un pas en avant, les dessous de la corruption » du Béninois Sylvestre Amoussou, meilleure interprétation masculine et meilleure musique de film. Est-ce une consécration pour vous ?


Consécration, je ne pense pas parce que j’ai encore à prouver, mais fierté de voir aboutir ce que nous avons entrepris. D’autant plus que ces deux films ont bénéficié d’une forte implication financière et logistique de leurs gouvernements respectifs. Je suis producteur depuis 1992 via ma société, Patou films international basée en France. Il était nécessaire pour moi de faire bénéficier au continent mon expérience acquise à l’international. Au Fespaco, j’étais le seul Camerounais et producteur, en général, qui était impliqué dans deux films en compétition officielle. Ouvrir nos pays au tournage de films engendre des retombées économiques importantes sur le plan national, développe le secteur touristique, favorise la professionnalisation des métiers du cinéma, dynamise le secteur audiovisuel et fait rayonner l’image du pays à l’étranger au travers des festivals, qui sont le plus souvent couverts par les journalistes du monde entier.

Malgré les grands moyens dont vous avez bénéficié pour le tournage et les récompenses engrangées, la critique a dit du film « Un pas avant...» qu'il a manqué d'une bonne direction d'acteur et est resté superficiel en abordant le problème de la corruption...

Vous savez, Sylvestre Amoussou n’est pas à son premier coup d’essai. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est le réalisateur d'« Africa Paradis », son premier long métrage. « Un pas en avant, les dessous de la corruption » est servi par une pléiade d’acteurs de renommée internationale tels que Firmine Richard, Thierry Desroses, Fatou N’Diaye, Sidiki Bakaba, Dieudonné Kabongo… A Cotounou, l'État béninois nous a permis d'avoir une logistique importante : des prises de vues aérienne, des scènes tournées au cœur des bâtiments ministériels flambants neufs et dans le port, ce qui était une première. J’avais une équipe de 50 personnes, techniciens et comédiens compris, dont 30 sont venues de Paris. Le film pose une question fondamentale sur la corruption qui gangrène notre continent. Comment cela se fait-il qu’aujourd’hui, aucun pays africain n’y échappe ? Pour revenir à votre question, chaque critique a le droit de dire ce qu’il pense.

« Un mec idéal » est une comédie romantique, et c'est le premier film de ce genre à remporter un étalon au Fespaco. Y croyiez-vous au départ ?

Quand on entreprend un projet, il est difficile de ne pas y croire. Si vous n’y croyez pas, ce sera difficile de fédérer les gens autour de votre projet. C’est un nouveau genre qui fait son entrée dans le paysage cinématographique africain. Mais il ne faut pas qu’il frustre l’ancienne génération de cinéastes. Aujourd’hui, quelques bornées croient toujours que l’Afrique est sous-développée. Je prouve que non à travers les films dans lesquels je m’implique. Au Cameroun, nous avons tout simplement la malchance que le bien-être public ne soit qu’un détail pour notre gouvernement. Sinon, le Camerounais n’aura rien à envier à l’Occident.

En jetant un regard sur votre filmographie, on constate que vous avez travaillé sur peu de films camerounais. Est-ce délibéré ?

C’est dommage parce que je suis moi-même Camerounais. Je suis au Cameroun tout le temps pour voir ma famille et recharger un peu mes batteries affectives dans mon village à Bafou (Dschang). J’ai l’impression d’une certaine inertie autour de notre ministère de la Culture. Il y a une absence définie des lignes directrices sur la politique culturelle, sur le plan national et international. En l’absence de ceci, on ne sait pas par où commencer, même si les Camerounais ont de bons projets dans leurs cartons.

Vous êtes scénariste et réalisateur. Mais depuis « Malik » en 1996, vous n'avez plus réalisé de films. Pourquoi cette rupture ?

C’est vrai, si vous ne parlez que de la fiction. Parce que, depuis, j’ai réalisé plus d’une trentaine de clips vidéos en France et trois films documentaires (« Le bal de la bastille » diffusé sur TV5, « GuitoB n’abandonne pas » et « Annie Flore Bacthiellilys, sur la route des anges ». J’ai aussi produit deux séries TV : « Les immigrés » (52x26mn) que vous avez du voir sur TV5 et « Gohou show ». J’ai également participé à la production de « No way » de Owell Brown, avec le rappeur Passi dans le rôle principal. Mais, ma plus grande fierté reste la production de « Unni », le film Indien que j’ai produit en 2006 et dont le tournage s’était déroulé dans la région du Kérala en Inde. Le film était présenté au marché du festival de Cannes en 2007.

Actuellement, vous préparez un long métrage, « L'enfant de rêve », qui sera tourné au Cameroun. Parlez-nous de ce projet...

C’est un conte initiatique bourré d’effets spéciaux. Les extérieurs seront tournés en forêt chez nous, et les intérieurs dans un studio que nous allons créer au Cameroun à partir d’un hangar désaffecté d'anciennes usines, comme on en trouve beaucoup à Douala. C’est une véritable source de création d’emplois.

Ce film va marquer en quelque sorte votre retour au Cameroun...

J’y suis tout le temps. En somme, je ne suis jamais parti. J’ai coproduis le court métrage « Benguiste » de Ervy Ken Patoudem avec notre société Cameroon studio basée à Yaoundé. Le film avait été présenté aux Ecrans noirs et a circulé dans pas mal de festivals internationaux. Cette coproduction s’inscrivait dans le cadre des accords de coproduction signés entre la France et le Cameroun. Nous tournons aussi, actuellement, un documentaire sur la « bottle dance », appelée communément le « club dance ». Je rappelle que cette danse est depuis rentré dans le répertoire de la Fédération camerounaise des danses sportives et assimilées (Fecadansa).

Vous êtes le promoteur de Patou Film International, une société de production basée en France. Comment est né ce projet ?

Ma société est née en 1992 en France sur la simple envie de développer la production cinématographique et audiovisuelle tel que je l’entendais. Elle est dotée d’un capital social de 29 518 000 francs Cfa, le capital minimum à l’époque pour obtenir l’autorisation de produire des films longs métrages en France. Aujourd’hui, la société a beaucoup évoluée et officie dans trois départements majeurs : la production, la distribution et les ventes internationales. Ce qui explique notre présence dans de grands marchés internationaux comme Cannes, Venise, Berlin, Toronto, Dubaï, et maintenant Pékin.

La récente édition du Fespaco avait pour thème « Cinéma et marchés ». Quels sont les marchés du cinéma africain ?

Il y a un véritable marché en Afrique. Le seul problème c’est que les principaux acteurs liés à ce marché et nos hommes politiques n’y croient pas. Le secteur qui n’est pas structuré laisse la part belle au piratage, qui est une économie colossale mais négligée par la loi. Le piratage génère un chiffre d’affaires impressionnant qui échappe au contrôle de l'État. Si le Dvd ou le Cd piraté se vend bien, il n’y a pas de raison que l’original ne se vende pas. Encore faut-il trouver l’original à acheter.

Les films camerounais sont-ils présents à l'étranger, en Europe notamment ?

Pour les films Camerounais, c’est le désert total. On peut se demander comment une grande nation comme le Cameroun n’arrive pas à soutenir ne serait-ce qu’une vraie production par an? Nous avons quand même fait « Muna Muto » de Dikongue Pipa (Étalon d’Or au Fespaco), « Notre fille » de Daniel Kamwa, « Le Maître de canton » de Bassek Ba Kobio… Puis, tout d’un coup, plus rien. Je crois qu’à l’image de notre musique, notre cinéma peut être rassembleur. A l’étranger, en Europe notamment, la concurrence est rude et nous y brillons tout simplement par notre absence. Pour l'instant, le circuit de distribution du cinéma camerounais à l'étranger est au repos.

Le financement et la distribution restent le ventre mou du cinéma africain dans un contexte de fermeture de salles de cinéma. Comment sortir de ce cercle vicieux ?

Tout le monde se plaint de la fermeture des salles en Afrique. J’ai envie de dire que c’est une bonne chose, car, elles étaient vétustes et dépassées. Avoir une salle de cinéma est un commerce comme un autre. Pour attirer les clients, il faut des films. Or, l’Afrique ne produit pas autant que la demande l'exige. Pour parer à cela, le distributeur africain doit acquérir d’autres films pour alimenter son catalogue. Or, les coûts d’acquisition des droits d’exploitation de film par pays sont très élevés. Comme il ne peut les assumer tout seul, il ferme sa salle. Je pense que l'État devrait déjà travailler à faciliter la circulation des biens culturels dans le pays, tant à l’import qu’à l’export. L'État encore doit prendre des mesures d’incitation à la création des lieux culturels comme les salle de théâtre, de concert et de cinéma. Ce n’est qu’à ce titre qu’on pourra voir naître de nouveaux entrepreneurs dans ce secteur. Pr ailleurs, les films africains doivent être bons, compétitifs et apprendre de nouvelles choses aux gens que de leurs offrir les mêmes images que les Ongs. Le public africain a aussi droit aux rêves, aux héros. Alors donnons lui ses héros et faisons-le rêver.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo