dimanche 29 mai 2011

Les artistes déjouent la piraterie


Musiciens et cinéastes descendent dans la rue pour vendre leurs Cds et Dvds originaux à des prix promotionnels.

Ils ont choisi la station Tradex au quartier Bastos à Yaoundé comme point de vente. Habillés de T-shirts à l'effigie d'Auguste, de Roger et de Haïs, les trois membres de X-Maleya, de jeunes gens proposent le cd original de «Tous ensemble», le nouvel album du groupe de musique, au prix de 1000Fcfa. «Les pirates ne dorment pas, nous devons trouver des stratégies pour les contourner. Aussi avons-nous mis sur pied cette campagne, du 9 au 29 mai», explique Jules Martial Gatchuessi, le représentant du producteur du groupe, Empire company, basé en France. «A ce prix là, il faut vraiment être de mauvaise foi pour acheter un Cd piraté», martèle-t-il. Ils sont de plus en plus nombreux, les musiciens et cinéastes, qui choisissent de descendre dans la rue pour vendre leur produit.

Après la fermeture de la dernière salle de cinéma en janvier 2009, la réalisatrice Joséphine Ndagnou, alors très remontée, cherche un moyen de faire face au ras-de-marée des pirates afin de rentrer dans les frais engagés pour la production de «Paris à tout prix». Elle met alors son film sur support Dvd et recrute des jeunes pour les commercialiser dans la rue à Yaoundé et à Douala, au prix de 2500Fcfa. Le chanteur de bikutsi, Bisso Solo, lui, a choisi de faire plus simple. Après la sortie de son album «Yi décembre» en 2010, il a conclu un marché avec des vendeurs de Cds piratés : il met à leur disposition son album original à bas prix, et ceux-ci se chargent de les vendre. Mais cette stratégie ne porte pas toujours de fruits. «Le problème que l'on a avec les vendeurs de Cds piratés c'est qu'ils font la surenchère, et on ne peut pas les contraindre à vendre au prix promotionnel convenu», regrette Jules Gatchuessi. D'autres artistes ont choisi de ne se fier qu'à eux-mêmes. Ils descendent dans la rue pour vendre leurs produits en misant sur leur notoriété. C'est le cas de la troupe Les Déballeurs. Ses membres, dont Ebenezer Kepombia (Mintoumba) et Sylvie Sintcheu (Tonga), parcourent régulièrement les artères des grandes villes du pays et proposent leurs téléfilms au prix de 500Fcfa.

Records de ventes

Et ça marche, à en croire les acteurs de ce marché. Le réalisateur Narcisse Mbarga affirme avoir vendu, en un an, 30 000 copies de son film «Les larmes du regret» qu'il a lui-même produit, à raison de 1000Fcfa le Dvd. «Aujourd'hui, je suis à plus de 150 000 copies de films vendus», résume-t-il. Si au départ, son objectif était de lutter contre la piraterie, Narcisse Mbarga a fini par faire de cette activité un véritable business. Après 17 jours de campagne, les X-Maleya affichent, eux aussi, un bilan positif. «C'est le Cd qu'on a le plus vendu, environ 8 000 copies à Yaoundé et pendant un week-end à Douala», se réjouit Roger Samnig, le leader du groupe. Et il ajoute : «il y a un véritable problème de diffusion des Cds originaux. Nous avons voulu les mettre à proximité du public, car tout le monde ne va pas dans les supermarchés et dans les discothèques où on les vend habituellement. C'est une nouvelle façon de faire qui porte des fruits».

Stéphanie Dongmo


Les autres formules

Partant de l'idée selon laquelle la piraterie naît de l'absence d'un réseau formel de distribution du disque et du prix élevé des produits originaux, des artistes multiplient des formules pour mettre les œuvres originales à la portée du public. Culture Mboa, créé par un collectif d'artistes, installe des points de vente dans des espaces culturels, les supermarchés, les hôtels... Il y vend le disque original à bas prix, par rapport aux discothèques. Par ailleurs, Ekambi Brillant vient d'ouvrir une boutique de vente de produits de musique originaux à Yaoundé. «Chaque Cd d'origine acheté est un signe de respect pour le mélomane, pour le fan et pour l'artiste producteur de l'œuvre », soutient-il.

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