lundi 27 février 2012

The Artist ou le triomphe du cinéma muet


De g à d. Hazanavicius, Béjo et Dujardin.
« The Artist » est entré dans l’histoire en remportant cinq statuettes dimanche soir à la cérémonie des Oscars à Hollywood : Meilleur film, Meilleur acteur (Jean Dujardin), Meilleur réalisateur (Michel Hazanavicius), Meilleure musique (Ludovic Bource) et Meilleur costume (Mark Bridges). Jamais un film français n’avait récolté autant de prix aux Oscars et jamais un acteur français n’y avait été récompensé. Déjà à sa sortie, le film a rencontré l’acclamation du public et de la critique qui lui prédisait alors un avenir aux Oscars. C’est fait ! A ce jour, « The Artist » a reçu plus de 50 distinctions dans le monde. Il a raflé à lui seul six prix aux Césars du cinéma français. Occasion pour moi de republier cette critique faite en octobre 2011, à la sortie du film en France. 


 
Cinéma : Un silence qui vaut de l’or
The Artist, le film du Français Michel Hazanavicius, est sorti en France le 12 octobre 2011. Un clin d’œil de talent au cinéma muet des années 1920.

Une scène du film
Michel Hazanavicius n’avait pas de mots assez forts pour raconter ses fantasmes de réalisateur. Alors, il a gardé le silence. « The Artist » (octobre 2011, 100 min), son dixième film, est en noir et blanc. Mieux, il est muet. Le film a du caractère. Il raconte les destins croisés de deux acteurs à Hollywood en 1927. George Valentin (Jean Dujardin) est un acteur muet à qui tout sourit. Peppy Miller (Bérénice Béjo) est une figurante qui le regarde avec des yeux d’amour. Leur relation va changer le jour où le cinéma parlant va entrer à Hollywood par la grande porte. George est mis au placard, tandis que Peppy monte, jusqu’à devenir la nouvelle coqueluche de Hollywood. 

Le fossé qui se creuse de plus en plus entre George et Peppy est magnifiquement mis en scène par Michel Hazanavicius. Sur un plan d’une grande esthétique, ils se croisent dans un escalier. George, habillé d’un costume sombre, a le regard vague et le sourire crispé. Peppy, habillée de blanc, est placée en haut de l’escalier et le domine d’une tête. Eblouissante de beauté, elle est souriante et enthousiaste. Croquis du cinéma muet sur le déclin, qui emporte avec lui ses rêves et ses stars, tandis que le cinéma parlant, tout nouveau et donc tout beau, a son avenir devant lui. George va passer par trois étapes : la gloire, la chute et la rédemption, car il sera sauvé par l’amour. 

Ambitieux
Ces étapes sont aussi celles du cinéma muet, à qui le réalisateur et scénariste donne aujourd’hui une certaine renaissance. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, le long métrage dépasse l’âge d’or du cinéma muet pour se tourner vers la réinvention du 7e art. Parce que « The Artist » est un drame mais aussi une romance, le réalisateur lui a donné une belle fin. La parole est retrouvée pour exprimer l’amour qui s’épanouit. Michel Hazanavicius a écrit son film pour Jean Dujardin, avec qui il avait déjà travaillé dans la série des films d’espionnage « OSS 117 » (où il pastichait James Bond), et Bérénice Béjo, sa compagne. Les deux acteurs n’ont plus eu qu’à enfiler leurs rôles, qui leur vont au demeurant comme un gant.

Tourné à Hollywood dans les studios de la Warner, « The Artist » allie la vivacité américaine à l’élégance française. Le tout, savamment accompagné par la musique pré enregistrée de Ludovic Bource. L’ambiance, qui baigne dans le whisky et le cigare, donne à ce long métrage des airs de la série américaine « Mad Men ». Les expressions comiques de Jean Dujardin rappellent celles de Charlie Chaplin, le héros du cinéma muet. « The Artist » est un patchwork de quelques classiques hollywoodiens (« Chansons sous la pluie » de Stanley Donen, « L’heure suprême » de Franck Borzage). En 2011, Michel Hazanavicius a réussi le pari de rendre l’atmosphère des films muets, avec le rythme et la musique. Ambitieux, talentueux. En dépit de tout ce qui fait qu’un film est apprécié ou non, « The Artist » mérite d’être salué pour le culot du projet.
Stéphanie Dongmo, à Paris

Omar Sy : Premier acteur noir césarisé


Il a été primé aux César du cinéma français pour son rôle dans le film « Intouchables ». 

 Il a créé la surprise en recevant le César du Meilleur acteur vendredi à Paris, pour son rôle dans « Intouchables » (2011, Olivier Nakache et Eric Toledano). Visiblement ému, il a jubilé sur le podium. Omar Sy a de quoi être heureux. Il est passé devant Jean Dujardin, grand favori pour sa prestation dans « The artist » de Michel Hazanavicius (par ailleurs meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice…) Déjà couronné par les 19 millions de spectateurs du film « Intouchables » (en tête du box office français), Omar Sy devient ainsi le premier acteur noir à recevoir un César, depuis sa création en 1976.

Né le 20 janvier 1978 à Trappes, en France, d’une femme de ménage mauritanienne et d’un ouvrier sénégalais, Omar Sy est aussi humoriste. Sur  Canal+, il a participé à l’émission « Le Cinéma de Jamel », avant de créer « Le Visiophone » puis « Service après vente » (SAV). Il avait déjà eu un rôle de premier plan dans les films « Nos jours heureux » et « Tellement proches ». Dans « Intouchables », où il partage l’affiche avec François Cluzet, il incarne un jeune de banlieue, auxiliaire de vie d’un riche tétraplégique. Omar Sy est la troisième personnalité préférée des Français derrière Yannick Noah et Zinedine Zidane. « Je n’ai pas envie d’être le Noir à la mode », a-t-il cependant déclaré à L’Express la semaine dernière. Marié à une Algérienne, Omar Sy est père de quatre enfants.
Stéphanie Dongmo  

dimanche 26 février 2012

Hema Djakaria : « Le cinéma burkinabé se porte bien »


Le directeur général de la Cinématographie nationale du Burkina Faso parle de la politique de relance du cinéma burkinabé, à l’occasion d’une réunion organisée par le Cinéma numérique ambulant Afrique à Cotonou les 17 et 18 janvier 2012. 

Hema Djakaria
 
 Comment se porte le cinéma burkinabé ?
Notre cinéma se porte assez bien. Comme vous le savez, les cinématographies africaines font face, en ce moment, à des difficultés de financement et même de distribution de films. Il s’agit pour nous de relever ces défis afin d’acquérir une production importante au Burkina Faso. Nous avons élaboré une politique d’appui au cinéma qui est axée sur la formation. Cela nous a permis de créer quelques centres de formation tels que le studio-école qu’est l’Institut supérieur de formation à l’image et au son (Isis). Nous avons aussi créé une autre session qui fournit les cadres supérieurs et les cadres moyens. Cette session est logée à l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature. Il y a aussi des centres privés de formation que nous appuyons, comme le centre de Gaston Kabore, Imagine, qui apporte des formations à la carte et peut permettre aux producteurs et réalisateurs de concevoir leurs projets. 

En dehors de la formation, nous avons une politique de soutien à la production qui s’est construite autour d’un appui matériel et en ressources humaines aux producteurs. Nous disposons d’une ligne financière qui vient en appui aux productions cinématographiques. Nous avons aussi un programme de soutien à l’exploitation cinématographique, construit autour du renforcement des capacités des gérants des salles de cinéma. De plus, nous avons mis sur pied un projet de rénovation de 13 salles de cinéma qui est à ses débuts et recherche des financements. Toutes ces activités, mêlées les unes aux autres, nous permet aujourd’hui de dire que le cinéma burkinabé se porte bien.

Combien de salle de cinéma fonctionnent au Burkina Faso ?
Nous avons actuellement 12 salles de cinéma qui sont en activités et qui programment régulièrement des projections, dont huit à Ouagadougou et quatre en province. De temps en temps, il arrive aussi que certaines salles de conférences soient transformées en salles de cinéma.
Par ailleurs, nous sommes fiers sur le plan de la formation. Nous disposons d’une ressource humaine technique compétente sur toute la chaîne de production cinématographique, c’est-à-dire que nous avons des directeurs photo, des ingénieurs de son, des régisseurs, des costumiers, des maquilleuses… Nous avons tout le personnel technique nécessaire pour produire un film aujourd’hui. Cela est dû au fait que l’Etat a voulu que le cinéma du Burkina Faso émerge un peu la tête de l’eau, parce que nous n’avons pas encore regagné les lauriers perdus des années 90 où le cinéma burkinabé brillait. Nous sommes progressivement en train de reconquérir l’espace perdu et je suis convaincu que le Bukina Faso pourra rayonner à travers son cinéma en Afrique et dans le monde entier.
 
Qu’est-ce qui explique cette perte de lauriers ?
Elle est due essentiellement au retrait progressif du soutien de l’Etat au secteur du cinéma. Au début des années 90, l’entrée de nos Etats dans les programmes d’ajustement structurel a fait que la culture a été écartée du processus de développement économique de nos Etats. Les Africains n’ont pas voulu faire de la culture une priorité par rapport à certains secteurs de base que sont l’agriculture et la santé, considérés comme essentiels. 10 ans après, les professionnels de la culture se sont plaints et ont revendiqué que la culture soit prise en compte dans tout projet de développement. Dieu faisant bien les choses, aujourd’hui, les pouvoirs publics ont compris qu’un peuple ne peut se développer que sur la base de sa culture propre. Je suis convaincu que le chemin du développement culturel vient d’être emboité et que l’émergence est pour bientôt.

Le Burkina Faso est un grand pays du 7ème art. Est-ce que le cinéma arrive à s’y positionner comme un véritable acteur du développement ?
Je ne dirai pas que le cinéma arrive à se positionner comme un acteur du développement, c’est un mouvement perpétuel. Mais le cinéma contribue progressivement au développement du pays et surtout à sa visibilité. Le Burkina Faso est connu à travers son cinéma. Le Fespaco est une fenêtre ouverte sur le pays, les acteurs du cinéma s’organisent. Il y a eu beaucoup de sociétés de production qui ont été créées grâce au numérique. Nous constatons un retour de la chose cinématographique à telle enseigne que le public a pris goût et débourse de l’argent pour voir des films africains. Aujourd’hui à Ouagadougou, si une salle programme un film américain dans une autre salle un film africain burkinabé, c’est cette dernière programmation qui aura le plus de monde. Ça, c’est réconfortant. Il y a dix ans, ce n’était pas le cas. 

Peut-on parler d’industrie cinématographique au Burkina Faso ?
C’est assez complexe. On ne peut pas parler d’industrie avec une cinématographie qui ne produit que trois ou quatre longs métrages par an, qui n’a qu’une dizaine de salles et une petite portion de sociétés de production qui ne comptent que sur les subventions européennes. Une industrie cinématographique suppose de grands studios de production. Cependant, un maillon de l’industrie cinématographique est en train de naître. Je suis convaincu que nous arriverons à créer une petite unité de production à l’échelle nationale.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

Moussa Diabaté : «Pas de fonds pour appuyer le cinéma malien »


Le chef du département du registre cinématographique au Centre national de la cinématographie du Mali brosse le portrait du cinéma malien, à l’occasion d’une réunion organisée par le Cinéma numérique ambulant Afrique à Cotonou les 17 et 18 janvier 2012. 
 
Moussa Diabaté

 Comment se porte le cinéma aujourd’hui au Mali ?
Le cinéma au Mali se porte comme partout en Afrique de l’Ouest, c’est-à-dire moyennement bien. Cela est dû au fait que les ressources destinées à la production cinématographique ne sont plus suffisantes et que les procédures d’accès au financement sont difficiles. Mais cela n’empêche pas la créativité. Il y a plein de projets qui sont déposés à nos bureaux, mais il y a un manque de fonds conséquents pour les appuyer. 

Le Mali dispose d’un centre de production cinématographique public. Comment travaillez-vous avec les producteurs privés ?
Le Centre national est une institution de l’Etat qui rend un service à caractère public mais en même temps, qui a une autonomie de gestion. C’est-à-dire qu’il se prend en charge dans certains domaines, même s’il reste un établissement de l’Etat. A cet effet, le centre couvre tout ce qui a trait au cinéma et en est la personnalité morale. Nous appuyons les cinéastes locaux en matériels, mais aussi en ressources humaines. Il y a beaucoup de sociétés de production installées à leur propre compte qui peuvent nous approcher pour obtenir notre appui.

Combien de salles de cinéma existent au Mali ?
C’est dommage, il n’y a qu’une seule salle au Mali qui fonctionne à plein temps à Bamako. Toutes les autres salles ont été fermées. Mais l’espoir est permis, d’autant plus qu’il y a des salles que nous comptons réhabiliter pour en faire un élément du patrimoine malien. Notre politique est également d’encourager les acteurs privés à venir investir dans le cinéma. Dans cette optique, il y a deux salles de cinéma qui sont en cours de rénovation.

Quels sont les grands noms du cinéma malien d’aujourd’hui ?
Il y a ce qu’on appelle la vieille génération avec les Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko... Il y a également la génération montante qui est là avec les Salif Traoré, Sidy Diabaté, etc. Il y a aussi de jeunes gens qui sont encore à leurs premières productions et que nous suivons de très près pour voir ce qu’ils peuvent apporter au cinéma. 

Combien de production en moyenne par an ?
Le Centre national de la cinématographie a produit en 2010/2011 deux longs métrages : « Toile d’araignée » et « Da Monzon ». De même qu’une série télévisée de 52 épisodes et quatre documentaires. Il y a des privées aussi. Mais la production générale est encore en deçà de nos estimations, qui sont d’une vingtaine de films par an, toutes catégories confondues. Mais par faute de moyens, on se contente du peu qu’on peut produire. J’espère que cela va changer dans les jours à venir. 
 Propos recueillis par Stéphanie Dongmo