vendredi 24 février 2012

Musique : A quoi servent les managers d’artistes ?


Dans un contexte d’amateurisme, leur rôle est flou et les problèmes nombreux. 

La chanteuse Majoie Ayi et son manager, Mathieu Youbi.
Nous l’appellerons Paul, pour ne pas le nommer. Il est le manager d’une chanteuse de bikutsi connue. Mais pas seulement. Il lui sert aussi de coursier. A l’occasion, il fait le ménage chez elle et va chercher ses enfants à l’école. Pour ceux qui exercent ce métier, le rôle d’un manager, encore appelé agent artistique, est pourtant clair : « Il gère la carrière de l’artiste, contribue à sa visibilité, s’occupe de négocier ses contrats et de gérer ses spectacles », explique Mathieu Youbi, le manager de Majoie Ayi. Limi Issofa, le manager de l’entreprise Sans Visas SA de Petit Pays, ajoute : « Il a aussi le privilège de pré-écoute sur l’album de l’artiste, ce qui peut aboutir à des modifications ». Pour Alain Dexter, le manager de K-Tino, « l’artiste est une entreprise dont je suis le directeur.»

Mais dans la réalité, ce beau rôle est bien terni. « Les managers sont clochardisés », tranche Alain Boban, le manager de Richard Amougou. Les agents expliquent qu’ils effectuent un travail harassant qui n’est pas considéré à sa juste valeur par les artistes, qui pensent qu’ils ne doivent leur succès qu’à leur voix. Mathieu Youbi est plus amer : « L’artiste réduit le manager à un agent commercial qui doit lui apporter des marchés. Ce ne sont pas des hommes de parole ». Aussi, les disputes ne manquent-elles pas lorsque l’artiste touche son cachet et que vient le moment de restituer son pourcentage au manager. Dans cette situation, les managers aussi ont leur responsabilité. « Beaucoup n’investissent rien dans la carrière de l’artiste. Ils ne sont auprès de lui que pour grappiller quelques sous », se plaint Alain Boban. 

Amateurisme
« Il n’existe pas de manager professionnel au Cameroun », estime Alain Dexter. Il préfère parler plutôt de l’accompagnement des artistes et non de management. « Ailleurs, il faut être titulaire d’une licence pour exercer. Mais pas au Cameroun », explique-t-il. L’absence de formation et d’un cadre juridique à ce métier donne libre cours à toutes sortes de dérives. La majorité des managers n’ont pas de contrat avec l’artiste, d’autres exigent jusqu’à 50% de toutes ses rentrées d’argent. « S’il n’y a pas de contrat écrit, il faut au moins qu’il y ait un contrat de confiance », souhaite Alain Dexter. Lui n’a pas de contrat avec K-Tino, mais se dit en confiance, du fait de leurs relations de famille (K-Tino est sa belle-sœur). 

En général, les managers sont payés au pourcentage (entre 10 et 30%). Ils sont salariés quand ils travaillent pour une entreprise ou une maison de production. Parce que le métier ne nourrit pas son homme du fait de l’étroitesse du marché, tous ont plusieurs autres activités. Quelques artistes ont plusieurs managers, à l’exemple de Lady Ponce, qui travaille avec Tchop Tchop pour le Cameroun et Guy Metang pour l’Europe. Certains aussi ont choisi de se passer de manager. D’autres ont compris qu’il est incontournable. « Avoir un manager permet à l’artiste de se concentrer sur sa musique », estime Roger Samnick du groupe X-Maleya.  « Un artiste qui se respecte a un manager », conclut d’ailleurs Mathieu Youbi.
Stéphanie Dongmo

Le règne des animateurs

Petit Pays et l'animateur Alain Boban.
 A Yaoundé, beaucoup d’artistes recrutent leurs managers parmi les animateurs de radio et télé : Serge Tamba, Alain Boban, Limi Issofa, Francis Libéral… « C’est une imposture, de la tricherie. Il y a un profil pour être manager. Les animateurs sont souvent incapables de produire une fiche technique de scène, d’établir un plan média, de rédiger un contrat »,  dénonce Mathieu Youbi. 

Alain Dexter Mvondo est chef du service de l’animation et de la programmation musicale à la Crtv Fm 94 à Yaoundé, et par ailleurs manager de plusieurs artistes. Il reconnaît que les deux métiers ne sont pas compatibles, du point de vue de l’éthique, car « un animateur aura tendance à vanter les artistes qu’il manage ». Il explique que les artistes abusent des animateurs qui ont des médias à leur portée. Ainsi, pour le prix d’un, ils ont à la fois le manager, le communicateur et même le promoteur.
S.D.

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