mercredi 13 mars 2013

Jean Patoudem : « La série africaine n’a pas de place dans les télévisions africaines»


Le distributeur camerounais parle de La Nuit de la série africaine qu’il a organisée le 28 février, en partenariat avec le Fespaco.
Entretien réalisé le 26 février au Village du CNA au Fespaco, à la faveur de la réunion de la Commission des ayants droits du CNA Afrique constituée de professionnels du cinéma.

Jean Patoudem
Vous organisez le 28 février, en partenariat avec le Fespaco, la nuit de la série télévisée africaine. De quoi s’agit-il ?
L’audiovisuel africain est en train de rencontrer son public grâce aux séries et aux téléfilms, même s’il y en a très peu. Le cinéma africain n’existe pas parce que le mot cinéma fait directement appel à des salles. Si vous faites des films en sachant que vous n’avez aucun moyen de les montrer à votre public, c’est un problème. Voyant que le Fespaco a une section compétitive des séries, j’ai eu l’idée d’organiser une nuit des séries puisqu’à Ouaga, il fait beau. Comme tout festivalier, je suis triste quand arrive minuit, qu’on ferme les salles et que je doive rentrer à l’hôtel dormir. Je me suis dit : il y a les séries, on va les regarder épisodes après épisodes, et Michel Ouédraogo [le délégué général du Fespaco] a sauté sur l’occasion. Mais pour des raisons de sécurité, ca ne se tiendra plus au Fespaco mais au CCF, de 22h à minuit.

L'affiche d'une série
Quelle est la place de la série africaine dans les chaînes de télévision du continent?
Elle  n’existe pas quasiment. Il y a quelques télévisions comme RTB au Burkina, RTI en Côte d’Ivoire ou RTS au Sénégal qui diffusent des séries africaines, mais c’est quand même assez nul pour le moment. C’est TV5 Afrique qui a pris le marché en créant une espèce de demande. Il donne la possibilité aux Africains de voir leurs propres images alors que les télévisions africaines servent à leurs peuples des images brésiliennes. Après cela, il faut chercher où est l’erreur.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo 

Jean-Pierre Bekolo : « La réalité a dépassé la fiction au Cameroun»


Le cinéaste parle de son dernier film, Le Président, qui a été présenté le 26 février à l’Institut Goethe de Ouagadougou au Burkina Faso. Au Cameroun, ce film qui appelle à la démission d'un Chef d'Etat vieillissant fait déjà trembler le pouvoir politique.  


Jean-Pierre Bekolo
Pouvez-vous nous parler de votre dernier film, Le président ?
J’ai tourné ce film pendant près d’une année et demie. Pour justifier ma présence au Cameroun depuis deux ans, je me suis dit qu’il faut faire quelque chose. Et comme ce que je sais faire c’est les films… C’est un film que j’ai commencé pour une autre raison : il y a un comédien, Gérard Essomba, qui est rentré au Cameroun après 50 ans en France. Il n’arrêtait pas de me reprocher le fait qu’il soit au Cameroun et que je ne fasse pas de film avec lui. Au départ, l’idée était assez floue. Je me suis dit que ce ne serait pas mal de faire un film autour de notre président. Un président un peu vieillissant, fatigué, qui commence à penser à sa succession. Au départ, l’idée était d’imaginer qu’il est remplacé par un footballeur puisque les footballeurs sont très populaires, ou par un musicien. À partir de là, j’ai tourné une petite scène que j’ai montré à un ami, Simon Njami, qui est aussi écrivain. Il n’a plus dormi pendant une semaine, il a écrit un scénario à Paris. Je suis rentré au Cameroun avec ce scénario, j’ai réuni de petits fonds pour démarrer.

C’est une fiction qui parle d’un président vieillissant. Au Cameroun, ce n'est plus de la fiction ?
Nous croyions qu’on avait une idée géniale mais l’histoire s’est avérée être beaucoup plus faible que la réalité. Car effectivement, le président disparaît quelques jours avant les élections. Il était en Chine. Quand il a quitté la Chine, il a dû arriver trois mois plus tard au Cameroun et a démarré les élections sans calendrier. Du coup, je sentais que le film était un peu faible parce que la réalité a dépassé la fiction. On s’est mis à réécrire le film, à suivre ce qui se passait.

L'affiche du film
Est-ce que l’idée vous est venue de faire un documentaire plutôt qu’une fiction ?
Le plus dur était de savoir quel film faire, pour ne pas faire de film trop tard, quand tout est terminé. On sent la lassitude des Camerounais qui ont un même président depuis 30 ans. Donc, le Cameroun c’est lui, il n’y a rien d’autre. Le problème c’est comment faire un film quand les gens ont cette autocensure par rapport à ce pouvoir quasiment monarchique. C’est un film expérimental parce que les gens au Cameroun savent beaucoup plus du président que moi. Ce qui était important, c’est de leur montrer ce qu’ils refoulent en eux parce que les conséquences peuvent être graves.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo
Au cours de la soirée de présentation du film Quartier Mozart le 26 février, au Village CNA au Fespaco.

Résumé du film Le Président : La disparition du Président du Cameroun quelques jours avant les élections est un signe politique fort. Jeunes, vieux, intellectuels, prisonniers, femmes, tout le monde s'agite. Pourquoi tous les chômeurs conduisent des moto-taxis ? Pourquoi des bébés sont volés dans des hôpitaux publics ? Pourquoi aucun héros local n'a de rue à son nom ou de monument à son effigie ? Pourquoi un pays si beau est dans un tel désespoir ? Pourquoi le vieux président n'a jamais été à Soweto, ni à Harlem ?

lundi 11 mars 2013

Fespaco 2013: la Déclaration solennelle de Ouagadougou

A l'issue du colloque  " Cinéma africain et politiques publiques en Afrique ", la Déclaration solennelle de Ouagadougou a été rédigée. Elle appelle à la mise en place d'outils nationaux de soutien au cinéma ainsi qu'à un appui à l'initiative du Fonds panafricain du cinéma et l'audiovisuel.
Ouagadougou, 2 mars 2013. Alain Gomis reçoit l'Etalon d'or des mains du Président du Faso.
 En recevant les professionnels, le président burkinabè Blaise Compaoré a déclaré le 1er mars 2013 :" Je m'engage à être votre porte-parole auprès de mes pairs et des hautes instances africaines afin que vos recommandations soient examinées avec toute l'attention requise. (…) A ce titre, je prendrai l'initiative d'organiser, dans les mois à venir, une plateforme d'échanges entre les chefs d'Etat du continent et des professionnels du cinéma, sur le rôle des pouvoirs publics dans la promotion de cet important levier d'affirmation, de consolidation de nos valeurs fondamentales et de notre identité culturelle. "

Cette déclaration est une réponse directe à la Déclaration solennelle de Ouagadougou, issue du colloque " Cinéma et politiques publiques " et dont voici le texte :

 " Nous, participants réunis à l'occasion de la 23è édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) du 26 au 27 février 2013, tenu sur le thème " Cinéma africain et politiques publiques en Afrique ", considérons ce colloque comme une étape importante pour les Etats africains à s'interroger sur une nouvelle approche des politiques publiques qui tienne compte des enjeux liés à la révolution numérique et à la mondialisation des échanges.

Nous, participants, avons résolu de lancer un appel à tous les chefs d'Etat d'Afrique.


Considérant que l'engagement public en faveur du cinéma dans certains pays du continent a progressivement fait place à un retrait excessif de certains Etats ;

Constatant la faible intervention de certains Etats ou institutions régionales et panafricaines dans le financement du secteur cinématographique et audiovisuel, ce qui a entraîné :

- l'effondrement du parc de salle
- la faiblesse et discontinuité de la production national
- l'insuffisance d'établissements ou de réseaux de formation professionnelle spécialisée
- le non-respect des droits d'auteur ;
- l'absence de mesures fiscales et douanières adaptées aux entreprises de la filière ;

Reconnaissant l'inertie des organisations professionnelles des cinéastes,

Nous, participants, appelons les Etats africains à :

- passer de la volonté politique à la décision politique à travers la mise en place d'un fonds d'avance sur recette au niveau de chaque Etat pour accroître la production
- mettre en application sans délais des instruments juridiques et des outils contenus dans les politiques culturelles nationales existantes
- activer les outils et les instruments régionaux déjà existants au niveau des différents regroupements régionaux et sous-régionaux
- garantir la liberté d'expression, de ton et de l'imaginaire, seule capable de garantir une production cinématographique de qualité
- systématiser de manière progressive et durable la coproduction avec l'ensemble des chaînes de télévision.

Par ailleurs, nous, participants

- lançons un appel à l'Union africaine à agir dans le domaine de la culture en général et du cinéma en particulier, de sorte que les aides internationales viennent en complémentarité et non en substitution
- appelons à appuyer l'initiative du Fonds Panafricain du Cinéma et de l'Audiovisuel (FPCA) ;

Les professionnels réaffirment le FESPACO comme le lieu de rencontre et de célébration des cinématographies africaines ; par conséquent, le FESPACO mérite le soutien des Etats africains et de l'Union africaine.

Les professionnels réunis à Ouagadougou sollicitent l'engagement personnel du Chef de l'Etat burkinabè pour être le porte-parole de ces préoccupations auprès de ses pairs et des hautes instances africaines.

 
Fait à Ouagadougou le 27 février 2013.

Les cinéastes et professionnels d'Afrique et de la diaspora présents au FESPACO 2013.