mercredi 3 juillet 2013

Cameroun: L’affaire Chebaya entre interdiction, autorisation et diffusion

Le documentaire du réalisateur belge Thierry Michel, qui revient sur l’assassinat de Floribert Chebaya, un militant congolais des droits de l’homme, a été interdit le 26 juin. Le 2 juillet, cette censure a été levée. Le 4 juillet, le film a été diffusé au festival Ecrans noirs à Yaoundé. Retour sur un feuilleton en plusieurs épisodes.


 Episode 1
Le festival de cinéma Ecrans noirs, dont la 17ème édition se tient à Yaoundé du 29 juin au 6 juillet, reçoit le documentaire de Thierry Michel et le sélectionne pour être en compétition dans la catégorie Films étrangers. Les Ecrans noirs soumettent ce film à la Commission nationale de contrôle des œuvres cinématographiques, dite Commission de censure, parmi tous les films sélectionnés.

Episode 2
Le 26 juin, la Commission de censure logée au ministère des Arts et de a Culture interdit la diffusion de L’affaire Chebaya, un crime d’Etat ? au Cameroun, sans aucune explication. Le film est retiré de la programmation du festival Ecrans noirs. Pourtant, le film a été diffusé en janvier dernier à l’Institut français du Cameroun à Yaoundé qui, lui, n’a pas introduit de demande de visa auprès de la Commission de censure.

Thierry Michel

Episode 3
Le 2 juillet, le site de la Fédération africaine de la critique cinématographique, Africiné.org, révèle l’interdiction du documentaire. Thierry Michel, qui devait arriver à Yaoundé ce même mardi pour présenter son film, monte au créneau et accuse la République démocratique du Congo (RDC) de faire pression sur le Cameroun pour que son film ne soit pas diffusé. Un communiqué de Thierry Michel précise : « Thierry Michel vient d'apprendre par le directeur du festival, Bassek Ba Kobhio, la veille de son départ, mardi, qu'il serait immédiatement refoulé dès son arrivée par la police des frontières, malgré un visa en bonne et due forme délivré par l'ambassade du Cameroun à Bruxelles». Le film avait déjà été interdit de diffusion en RDC et son réalisateur refoulé à la frontière de Kinshasa en juillet 2012.

Episode 3
Dans l’après-midi du 3 juillet, les Ecrans noirs publient à leur tout un communiqué. Dans ce document, le festival affirme que l’interdiction de diffusion qui pesait sur le documentaire a été levée, après que le festival ait introduit un recours gracieux auprès du ministère des Arts et de la Culture. « Face au remue-ménage occasionné par des actions, communiqués et initiatives menées ici et là, le festival se propose de diffuser le film dans un proche avenir et dans un contexte plus apaisé, en présence du réalisateur », termine le communiqué de presse signé de Marcel Epee Mbody, le directeur du festival Ecrans noirs.

Episode 4
Le 4 juillet au soir, L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ? a finalement été diffusé à l’Institut français de Yaoundé, dans la cadre de la 17ème édition des Ecrans noirs en présence d’une centaine de festivaliers curieux et du directeur de la Cinématographie au ministère des Arts et de la Culture. C’est le promoteur du festival, Bassek Ba Kobhio lui-même, qui a introduit le film en ces termes : « Mais pourquoi voulait-on censurer ce film ? La censure est une bêtise qui n’a plus de raison d’être. Je dis d’ailleurs à Jean-Pierre Bekolo de demander le visa pour son film. S’il lui est refusé, nous allons faire recours. Et si le film est censuré, au moins on en aura la preuve. Nous, artistes, seront obligés de nous organiser en syndicat pour que pareille publicité ne soit plus faite sur notre pays. Toute œuvre mérite d’être vue ». L’affaire Chebaya, un crime d’Etat ? du réalisateur belge Thierry Michel, est à nouveau en compétition dans la catégorie film étranger.

Le public de Yaoundé a donc eu, pour la seconde fois, l’opportunité de voir ce documentaire qui revient sur l’assassinat de Floribert Chebaya, un militant congolais des droits de l’homme retrouvé mort en 2010, et le procès qui s’en est suivi. Un procès qui met en cause les services de la police au plus haut sommet de l’Etat. Avec des appels forts qui ont pu inquiéter les fonctionnaires du ministère des Arts et de la Culture : « Kabila, assassin au Congo, il a tué, nous demandons sa démission immédiate », scandent les manifestants après la mort de Chebeya. « Lorsque celui qui a la charge de sécuriser, c’est lui qui tue, nous nous trouvons devant un crime d’Etat. Un pouvoir qui repose sur le sang ne doit pas durer », clame pour sa part le prêtre qui célèbre la messe de requiem de Fidèle Bazana, le chauffeur disparu de Floribert Chebeya dont le corps n’a jamais été retrouvé.


Les commentaires du public ont plutôt porté sur le rôle joué par le témoin camerounais, Gomer Martel, dans l’affaire Chebeya. Lui qui se trouvait pour escroquerie dans les locaux de la police au même moment que le défenseur des droits de l’homme. 
Stéphanie Dongmo