mercredi 30 juillet 2014

Cyrille Marvin Vounkeng : « J’aimerais exposer au Cameroun »

Ce jeune camerounais installé à Düsseldorf en Allemagne a embrassé la photographie par passion. Ses photos qu’il publie sur son site internet www.marvinvounkeng.com et sur sa page Facebook attirent l’attention et interpellent.

 
D’où vous vient cette passion pour la photographie ?
La passion de la photo, je l’ai depuis mon enfance. Lorsque j’étais au lycée, mon frère m’a fait cadeau d'un appareil photo pour que je me fasse un peu d’argent de poche en photographiant les gens. Petit à petit, j’ai découvert la passion cachée derrière ce petit appareil rectangulaire. Photographier n’était plus une question d’argent mais de plaisir. Le plaisir de partager avec ces personnes leurs plus beaux moments. Lorsqu'ils sourient,  lorsqu'ils  posent devant toi et lorsqu’ils se réjouissent d’admirer leurs images. Ce moment, on ne peut le décrire. La photographie est pour moi plus qu’un art, c’est la passion d’être témoin des événements les plus importants de la vie des autres.
 
Vous êtes Camerounais, vous vivez en Allemagne. Parvenez-vous à vivre de votre travail de photographe dans ce pays occidental ?

C’est une bonne question. Pour pouvoir vivre de la photographie en Allemagne, il faut avoir assez de contrats. Cela veut dire faire de la publicité. Mes clients prennent contact avec moi grâce au bouche à oreille. Il faut vraiment être fort et convaincant pour gagner des marchés. C’est toujours un grand atout de combiner la photographie à d’autres activités comme le design des pages Web ou les vidéos. Je suis aussi informaticien et cameraman, ce qui élargit mon terrain d’action.

 
C’est quoi pour vous, une photo réussie ?

Une photo réussite c’est une photo extraordinaire,  tout y joue un rôle : l’éclairage, la clarté de l’image, le contraste, l’arrangement de la photo... il faut être créatif, savoir impressionner les clients. Imaginez-vous en train de feuilleter les photos d’un album, il y a des photos sur lesquelles vous passez sans trop vous y attarder. Mais il y a aussi des photos qui attirent votre attention.  C’est ce genre de photo que je sollicite. Mais l’art est relatif et d’autres facteurs, par exemple la culture, jouent aussi.

Vous travaillez beaucoup sur le blanc et le noir. N’est-ce pas dépassé aujourd’hui en photographie ?

Le choix du noir et blanc ou de la couleur dépend des informations que l’on veut donner à travers l’image. Une photo en couleur donne plus d’informations de l’image, des informations sur les couleurs et les constituants.  Les yeux de l’homme réagissent beaucoup à la couleur.  Mais ces couleurs doivent passer ensemble comme le rouge et noir ou le bleu et bleu-ciel. Ce ne sera pas logique de photographier la mer et le ciel en noir et blanc car on n’aura pas cette belle couleur bleu du ciel. Ce sera aussi fou de photographier une fleur en noir et blanc car la fleur, c’est sa couleur. Mais si l’on veut plutôt orienter l’attention ailleurs que sur la couleur, le blanc et noir est adapté, à considérer par exemple les photos d’architecture. Le noir et blanc est aussi utilisé pour augmenter le contraste entre les couleurs noir et blanc. Dans d’autres cas, il apporte plus d’émotion à l’image, dans des images de guerre ou une atmosphère sinistre par exemple.  

 
Quelles sont vos ambitions dans la photographie ?
Mon rêve c’est devenir un jour très célèbre. J’aimerais faire une exposition des portraits dans les jours à venir  ici en Allemagne. J’aimerais aussi exposer au Cameroun et amener les gens à aimer la photographie, et même donner des cours de photographie. Malheureusement, l'art de la photographie ne trouve pas sa place dans la culture africaine. En Europe, on reçoit plus d’attention en tant que photographe. Peut-être qu’un jour ça changera.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo  

vendredi 18 juillet 2014

Yonathan Parienti : « Horyou permet un mieux vivre ensemble »

Co-fondateur et CEO de Horyou, il présente ce nouveau réseau social qui propose une philosophie plus éthique, dans un contexte où les réseaux sociaux sont accusés d’être source d’aliénation, d’artificialisation de la vie et de destruction des relations humaines. Lancée en décembre 2013 à Genève, en Suisse, la plateforme www.horyou.com compte déjà de nombreuses inscriptions en Afrique. Entre autres le footballeur Roger Milla, le spécialiste de la chirurgie digestive, Dr George Bwelle, le cinéaste Moussa Touré, le musicien Ray Lema, les organisations Relais parents-enfants et Cinéma Numérique Ambulant. Fin juin, Horyou compte plus de 350 organisations et 300 personnalités.


Yonathan Parienti présente Horyou au Salon des solidarités, juin 2014 à Paris
Qu’est ce qui a motivé la création du réseau social Horyou ?
Le réseau social Horyou naît de la volonté de créer du sens au travers d’un nouvel usage de la technologie. Nous souhaitons apporter une dimension humaine au service de l’intérêt de tous. Nous aspirons à faire de la technologie un instrument au service de l’humanité. Horyou est le réseau social qui pense que la partie la plus importante de cette expression est bien 'social'.

Concrètement, qu’est-ce qu’Horyou ? Un nouveau réseau social lancé il y a maintenant plus de six mois. Son objectif ? Devenir la plateforme de référence où pourront se rencontrer les particuliers, les personnalités et les organisations qui agissent en faveur de la solidarité et du bien commun dans différents domaines tels que les arts, l’éducation et l’action sociale et environnementale. Notre devise ? Rêver, inspirer et agir.

Horyou est un espace qui permet de partager, de montrer que l'on peut contribuer à faire évoluer le monde, qu’un mieux vivre ensemble est possible grâce à des valeurs fortes, des volontés sincères et des actions humaines et pleines de sens. Horyou, c’est un réseau social pour ouvrir les yeux, s’engager et agir directement au quotidien à quelque niveau que ce soit.

L'équipe de Horyou
Le contenu publié sur la plateforme Horyou est-il contrôlé pour éviter des dérives ?

Tous les particuliers peuvent s'inscrire en quelques clics sur Horyou. Pour les porteurs de projets, personnalités ou associations, nous nous assurons dans leur processus d’inscription, que leurs engagements et actions s’inscrivent dans une démarche de tolérance et de respect, sans prosélytisme politique ou religieux. Nous sommes heureux de constater à ce jour que les membres de la communauté Horyou participent pleinement à l’émergence d’une véritable responsabilité collective.

Quel bilan faites-vous de ce réseau social au-delà des inscriptions ?

Depuis son lancement, Horyou, c’est de nombreux projets partagés entre nos membres issus de plus de cinquante pays et des échanges qui s'intensifient. C'est aussi une fondation, créée cette année, qui, à terme, pourra soutenir les organisations présentes sur notre plateforme et les accompagner dans la réalisation de leurs projets.

Nous lançons également la première édition du SIGEF, Social Innovation and Global Ethics Forum, qui se tiendra du 22 au 24 octobre, à Genève, Suisse, au Centre International de Conférence Genève (CICG). Ce forum est un véritable prolongement de cette nouvelle philosophie internet au service de l’action concrète et solidaire.
Voici, en quelques mots, nos premières étapes pour faire de cette plateforme le lieu où chacun peut partager, être source d'inspiration et agir à son niveau, selon ses intérêts et ses sensibilités.

Notre engagement a conduit nos équipes à la rencontre de nombreuses associations sur le terrain afin de valoriser leurs actions, notamment au travers de documentaires témoignant de ce qui se passe tous les jours dans le monde. Ces documentaires ont été l’occasion de projections, en avant-première dans nos différents locaux, et seront, à terme disponibles sur internet et d’autres canaux de diffusion.

Le Dr George Bwelle en campagne à Mouanko, filmé par Horyou
Quel est l’objectif des manifestations solidaires que vous organisez ?

Notre objectif est d’offrir la possibilité aux organisations et à tous les citoyens de se rencontrer. De même, nous souhaitons donner aux personnalités un espace dédié afin qu’elles puissent faire entendre leur message fédérateur et inspirer chacun de nous.

Le chargé du développement de Horyou en Afrique subsaharienne, Blaise Pascal Tanguy, a parcouru une dizaine de pays pour vulgariser ce portail. Pourquoi Horyou accorde-t-il une place prépondérante à l’Afrique?

L’Afrique est un continent qui déborde de richesses humaines et culturelles et où les solidarités s’expriment tous les jours, de façon transgénérationnelle. L’Afrique est un continent où l'on peut puiser d’innombrables exemples d'actions positives en faveur de l’humanité. Il existe un dynamisme incroyable, des espérances et volontés positives dont nos équipes ont été témoins lors de leur voyage sur le terrain. A l’instar de la richesse culturelle portée par le Cinéma Numérique Ambulant ou encore de l’engagement humaniste porté par le docteur George Bwelle et son association Ascovime. Tout comme la capacité créatrice et d’inspiration de Roger Milla et de la fondation Cœur d’Afrique. Nous sommes heureux de partager ces belles initiatives et bien d’autres encore à venir au sein de notre plateforme.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

 

jeudi 17 juillet 2014

Littérature : Portrait d’une génération en quête de sens

Dans son dernier roman, « Migrants diaries » dédicacé à Yaoundé ce 11 juillet, Eric Essono Tsimi chronique une jeunesse en mal de repères, en Afrique comme en Occident. Une écriture incisive et des réflexions désabusées sur la société contemporaine, la solitude du migrant et l’amour comme bouée de sauvetage.   


Ils sont quatre garçons, les personnages principaux de ce roman. Il y a Jalil. De l’avenue Kennedy à Paris, il emprunte un chemin inconnu de Google Maps en déjouant Boko Haram et Aqmi. S’il ne sait pas très bien où il va, il sait en revanche où il ne veut plus être : dans un pays qui « tue les jeunes », comme le dit la chanson.

Il y a Arthur, pris au piège de l’amour-haine entre ses parents. Il s’enfuit pour le Canada en croyant laisser derrière lui ses problèmes. Il apprendra à ses dépens que « le morceau de bois a beau vivre dans l’eau, il ne devient pas pour autant caïman ». Ses crises existentielles n’en seront qu’exacerbées, malgré l’amitié de deux camarades de classe qu’il rencontre au Canada. Il y a Brunel, grand bulldozer satisfait de sa relation amoureuse avec une Canadienne. C’est,  au final, le personnage le plus équilibré de ce roman. Il y a enfin Vidal, coureur de jupons devant l’Eternel qui vit péniblement son amour vache avec une Camerounaise, Ze Bella.
Si les trois derniers personnages sont liés par une amitié longue et la proximité géographique, en revanche, leur relation avec Jalil est floue et ne sera dévoilée qu’à la toute-fin du livre, avec une justification ne tenant qu’à un fil. Comme si l’auteur avait écrit deux textes avant de réfléchir à une solution pour les relier ensemble.

Dans ce roman, il y a aussi les femmes. Mais elles ne sont racontées qu’à travers des destins masculins. Elles font l’objet d’une description sévère, présentées en infidèle, en Marie-couche-toi-là ou en suiveuse. D’ailleurs, à partir de la description de Ze Bella, croqueuse d’hommes au pays qui, une fois confrontée au froid et à la solitude au Canada, en est réduite à s’accrocher au premier homme qui lui sourit, l’auteur, qui a lui-même fait des études au Canada, écrit que « toutes les filles sont des amoureuses en puissance, qui ne demandent qu’à être convaincues ».
« Migrants diaries » est un livre désabusé. Il dresse le portrait du jeune camerounais complètement acculturé et en mal de repères. Les combats de ses pères l’intéressent peu, la famille l’indiffère, l’Occident l’attire. Or, dans ces pays où tout a été fait et où il faut constamment lutter contre « la distance,  la solitude, le froid, l’exclusion, les préjugés », il ne trouve pas non plus sa place. Brunel s’accommode d’une vie sans enjeu et trouve en l’amour un puissant exutoire. Arthur se laisse mourir d’ennui.

Ce sentiment de lassitude est présent chez tous les migrants de ce roman, eux qui se retrouvent écartelés entre deux mondes, à la croisée des chemins sans bien savoir quelle route emprunter. Tous, ils luttent pour retrouver une identité qu’ils ne savent pas reconstruire. Ils sont incapables de s’épanouir sur un sol nouveau, alors même que le chemin du retour leur est rarement envisageable.
Auteur du roman « Le métier d’aimer » et de l’essai « Le principe de double nationalité au Cameroun », Eric Essono Tsimi, dit Meyon Meyeme, présente, au final, la vie comme une vaste comédie. Le regard est désabusé, presque cynique. La narration est linéaire et rapide, comme pressée de dire le trop plein d’émotions, la course à la perdition. Et chacun devra trouver en lui-même et non dans un espace géographique donné, la force de ne pas sombrer.

Stéphanie Dongmo

 Eric Essono Tsimi
Migrants diaries, Chronique d’une génération extrême

Acoria éditions, 2014
158 pages