dimanche 10 janvier 2016

Bernard Zeutibeu : « 63% de touristes insatisfaits après leur séjour à l’Ouest »

Le directeur de l’Office régional du tourisme de l’Ouest Cameroun parle de la participation de l’Ortoc au salon Solidarissimo en France du 6 au 8 novembre 2015 pour  promouvoir la destination Cameroun et le tourisme solidaire. Il revient aussi sur la mauvaise santé du tourisme dans cette partie du pays et précise les mesures qui sont prises pour le booster.
 
Bernard Zeutibeu au salon Solidarissimo.
L’Ortoc était au salon Solidarissimi en France, en novembre 2015. De quoi s’est-il agit concrètement?   
Le Salon Solidarissimo est un salon dédié au tourisme et à l’économie solidaire. C’est une sorte de salon dans un salon, puisqu’il est organisé en même temps et sur le même site du Salon International du Tourisme et des Voyages (SITV). Il est organisé tous les ans, au mois de novembre au parc de l’exposition de Colmar, en Alsace. L’édition 2015 était la 6ème édition.
Quels étaient les objectifs de la participation de l’Ortoc ?
En participant à cette édition de Solidarissimo, la région de l’Ouest avait un double objectif.  Nous y allions principalement pour démarcher les voyagistes intéressés par l’Afrique, dans la perspective du référencement de la destination Ouest Cameroun dans leur catalogue. Car la notoriété d’une destination se mesure à son niveau de référencement par les prescripteurs de voyages. Notre participation visait aussi à présenter le projet TOSTEM à différents publics, et à analyser leur perception du projet de tourisme sur les traces de l’esclavage.
Quels résultats avez-vous obtenus en termes de visiteurs, de partenariats noués, etc. ?
Le salon solidarissimo est avant tout un salon professionnel. Nous avons réussi à intéresser cinq tours opérateurs à découvrir les chefferies de l’Ouest Cameroun. L’un d’entre eux a déjà effectué un premier voyage de découverte. Nous envisageons d’organiser, en partenariat avec les agences de tourisme camerounaises, un éductour pour les quatre autres voyagistes.
C’est quoi un éductour ?
Un éductour est un voyage éducatif aussi bien pour le territoire qui accueille que pour les voyagistes qui découvrent. L’éductour que nous envisageons organiser en partenariat avec les agences de tourisme camerounais est un voyage de découverte au cours duquel les voyagistes découvriront les attraits du Cameroun. Nous présenterons le Cameroun en général. Mais, comme les voyagistes ont accordé un intérêt particulier aux chefferies de l’Ouest et à l’offre de Limbé, nous visiterons les attraits de ces deux territoires. Ce sera aussi l’occasion de prendre en compte les avis des étrangers sur nos points forts, mais aussi sur nos points faibles. Après l’éductour, nous resterons en contact avec les voyagistes. Car, l’objectif ultime recherché est le référencement de notre destination dans leurs catalogues. 
L’Ortoc mène un projet de tourisme sur la mémoire de l’esclavage. Quels sont ses articulations ?
TOSTEM (Tourisme autour des sites de la traite, de l’esclavage et de leurs mémoires) est un projet qui se déploie dans cinq pays. Dans le cadre de ce projet, un ensemble d’activités seront réalisées à Nantes, au Cameroun, au Sénégal, en Haïti et à Antigua & Barbuda. En plus de l’exposition internationale qui est une activité commune aux cinq pays, il est prévu au Cameroun l’aménagement d’une dizaine de sites marqués par l’esclavage, sur le trajet partant des chefferies de l’Ouest vers la côte atlantique.
Ce projet est mis en œuvre dans le cadre d’un financement de l’Union européenne, par l’Association les Anneaux de la mémoire dont le Président est Yvon Chotard. Il est coordonné au niveau international par Patricia Beauchamp basé à Nantes. Anita Fotso, directrice des opérations du Programme Routes des Chefferies assure la Coordination de ce projet au Cameroun. L’Ortoc est dont associé à ce projet pour en assurer la promotion touristique.
Quels sont les sites mis en valeur par ce projet ?
La phase d’aménagement des sites identifiés comme ayant été marqué par le phénomène de l’esclavage débutera au cours de cette année 2016. Des esquisses d’aménagement ont déjà été réalisées. La liste des sites à aménager se présente ainsi qu’il suit :
-          Les berges du Wouri à Douala (région du Littoral)
-          Le port d’embarquement des esclaves à Bimbia (région du Littoral)
-          Le marché caché de Laapou à Bangou et marché d’esclaves officiel à proximité (région de l’Ouest)
-          Le marché d’esclaves à Kamna (région de l’Ouest)
-          Le marché d’esclaves à la chefferie Bamendjinda (région de l’Ouest)
-          Le marché d’esclaves à Foumban (région de l’Ouest)
-          Le musée de la chefferie Bafut (région du Nord-Ouest)
-          Les tranchées et murs de pierre à la chefferie Bawock (région du Nord-Ouest)
Comment se porte le tourisme à l’Ouest ?
Le sultanat bamoun.
Le tourisme ne se porte pas très bien dans la région de l’Ouest. L’Ortoc et les professionnels du tourisme de l’Ouest se sont engagés dans la démarche qualité. Les questionnaires mis en place dans les hôtels de l’Ouest, dans le cadre de cette démarche, ont montré qu’au cours de l’année 2015, sur un total de 211 questionnaires analysés, il y a eu 63% de touristes insatisfaits après le séjour dans la région de l’Ouest. Nos sites de visite ont enregistrés une moyenne de 30.000 visiteurs en 2014. Devant de tels résultats, l’Ortoc et ses partenaires ont entrepris deux activités majeures : l’édition du premier catalogue tourisme et l’élaboration du Schéma directeur du tourisme de l’Ouest. Le catalogue tourisme est un document à vocation promotionnelle qui présente l’offre touristique de la destination Ouest.
Le premier catalogue tourisme que nous avons élaboré, en partenariat avec le Programme Route des chefferies, a été édité en 1.500 exemplaires. Il présente la région de l’Ouest sous trois thématiques majeures : culture et chefferies, nature et paysages, artisanat et terroir. Il est considéré comme la carte de visite de l’Ouest. L’Ortoc et ses partenaires ont aussi élaboré le Schéma directeur du tourisme de l’Ouest. Il s’agit là d’un schéma de cohérence territoriale qui couvre la période 2015-2025. Dans le cadre de ce travail, un plan d’action prioritaire est à définir. La mise en œuvre de ce plan d’action prioritaire devrait, à terme, permettre de créer des services susceptibles de donner l’occasion aux visiteurs de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations, ndlr) de bonnes occasions de dépenser leur argent chez nous.
Quelles stratégies mettez-vous en place pour développer le tourisme intérieur ?
Nous organisons régulièrement des excursions de groupe à destination du grand public. A l’occasion des évènements culturels et des activités ponctuelles, nous élaborons des programmes de visites autour du lieu géographique concerné. Mais, la grande activité concerne la jeunesse. Avec le Programme route des chefferies, un programme de médiation est mis en place et permet aux jeunes scolaires de connaître leur patrimoine, de se l’approprier et de développer la culture de la découverte. Une commission médiation a d’ailleurs été mise en place, présidée par le chef Supérieur Bangoulap.
Quels sont les défis pour l’avenir ?
La région de l’Ouest comme le Cameroun tout entier peut devenir une véritable destination touristique. C’est-à-dire un territoire qui accueille un nombre important de touristes, avec comme effets induits la création des richesses et des nouveaux emplois. Cela est possible sous trois conditions : nous devons le vouloir tous ensemble (professionnels du tourisme ou simple habitant de l’Ouest). Nous devons ensuite créer des services variés pour donner aux visiteurs des occasions de dépenser leur argent. Nous devons ensuite nous engager dans la démarche qualité, pour que les touristes qui viennent chez nous aujourd’hui aient envie de revenir demain.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo 

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