mardi 5 juin 2018

Chronique : des écrits sur les taxis


A Yaoundé, capitale du Cameroun, les taximen ont trouvé un moyen assez original de partager leurs pensées et leur vision du monde. 

C’est une chose incontournable : les écrits sur les taxis à Yaoundé. Inscrits sur les pare-brise ou pare-chocs arrière des véhicules, ils nous offrent un peu de lecture dans les embouteillages.
Il y en a de tous les types et pour tous les goûts. Certains textes appellent à la prudence, en rappelant le code de la route. Du genre « Respectez la distance de sécurité », « Attention à mes fesses », ce qui peut faire sourire. On trouve aussi des réflexions universelles : « L’homme c’est sa parole ».  
Sur les taxis de Yaoundé, il y a aussi des remerciements, adressés à la personne qui a aidé à acquérir le véhicule : un tonton, une maman, ou une communauté. L’amour n’est pas en reste, avec des « Je t’aime chérie », « Amour de ma vie ». Et le désespoir n’est jamais loin. J’ai été particulièrement surprise de cette inscription : « Sophie, méchante femme ! » Et on peut aisément imaginer le dépit de notre taximan.

Dans la circulation, on peut encore lire des coups de gueule : « Les jaloux vont maigrir », ou des messages carrément misogynes, du genre « Qui dit bonjour à la femme dit au revoir à l’argent ». L’actualité est bien présente, avec des « Yes we can », « Opération Epervier », du nom de cette campagne de lutte contre la corruption en cours au Cameroun. Dieu occupe la première place. Des versets bibliques et des prières appellent à la foi et à l’espérance.
En fait, pour mettre un taxi en circulation, le propriétaire a l’obligation légale d’inscrire sur la voiture des informations comme le nombre de places et le numéro de portière. Il va donc chez le sérigraphe et en profite pour commander des messages personnels. C’est parfois le sérigraphe qui propose des formules, et les prix varient entre 3000 et 5000Fcfa, selon la longueur du texte. 

Dans un pays bilingue comme le Cameroun, vous imaginez bien que non. Les textes sont en français, en anglais, en pidgin english et même en langues locales. Le taxi devient ainsi une tribune où on peut exprimer sa pensée, son rapport à l’autre, sa spiritualité, ses joies mais aussi ses peines. On communique avec les autres sans nécessairement entrer en dialogue. Ce phénomène est visible dans d’autres villes comme Douala et Limbé, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique, à l’exemple de la Côte d’Ivoire.

Centrafrique : Un Cinéma Numérique Ambulant est né


Cette association qui a pour but la diffusion des films d’Afrique arrive dans un contexte de crise et compte œuvrer à la promotion du vivre-ensemble harmonieux entre les communautés centrafricaines.
Le Conseil d'administration du CNA RCA.
Le samedi 21 avril 2018 a vu la création du Cinéma Numérique Ambulant (CNA) Centrafrique. L’Assemblée générale constitutive de cette association s’est déroulée au Centre national des arts et de la culture de Bangui, en présence d’une quinzaine de participants, sous l’égide du ministère des arts, de la culture et du tourisme. Serge Wilfried Mbilika, réalisateur et producteur, a été élu président de cette association.
La création du CNA Centrafrique est l’aboutissement d’une mission du CNA Afrique, structure de coordination de l’ensemble des Cinéma Numérique Ambulant à Bangui. Cette mission, menée du 15 au 21 avril par le burkinabé Wend-Lassida Ouédraogo et la camerounaise Stéphanie Dongmo, respectivement coordonnateur et chargée de communication du CNA Afrique, avait pour but de rencontrer les autorités centrafricaines et de sensibiliser des partenaires potentiels à ce projet.
Les autorités centrafricaines ont accueilli favorablement l’installation du CNA en RCA. Deux accords de coopération ont été signés avec le ministère de la communication et des médias d’une part, et d’autre part avec le ministère des arts, de la culture et du tourisme. Le CNA s’est engagé à travailler aux côtés du gouvernement centrafricain pour promouvoir la paix, dans un contexte politique de crises récurrentes.
De nombreux défis à relever
Wend-Lassida Ouédraogo explique que l’association a été créée mais beaucoup reste à faire : recruter du personnel, les former, acquérir un véhicule, du matériel, constituer une équipe mobile et démarrer des activités : des projections cinématographiques et des réalisations vidéo pour participer à l’éducation des populations à l’image et par l’image, en tenant compte du contexte politico-social. De plus, le CNA RCA se créé sans appui financier. Le premier défi est donc de trouver le financement nécessaire pour mettre en œuvre ces activités.
Pour Serge Mbilika, le travail du CNA sera d’une importance capitale en RCA : « dans la mesure où une image vaut mille mot, nous voulons réaliser des films qui mettent en valeur le vivre ensemble qu’on va diffuser en milieu rural mais aussi en ville. Déjà, on n’a que la télévision nationale pour véhiculer des messages et même à Bangui, la télé n’est pas accessible à tout le monde, il y a le problème d’électricité. Si, avec une méthode de travail appropriée, on arrive à montrer dans un film une famille musulmane et d’une famille chrétienne qui vivent en paix, en rappelant la manière avec laquelle on vivait avant, on peut conscientiser la population et pacifier notre pays ».

Créé en 2001, le réseau Cinéma Numérique Ambulant est un réseau international d’associations de cinéma mobile dont l’objet est la diffusion itinérante et en plein air des films du patrimoine cinématographique africain principalement. Ce faisant, le CNA diffuse des documents audiovisuels destinés à sensibiliser les populations sur les graves problèmes de santé, d’éducation, de citoyenneté, de paix et sécurité, de développement qui se à elles. Le CNA est aujourd’hui installé dans neuf pays : Burkina Faso, Bénin, Cameroun, France, Niger, Mali, Togo, Sénégal et Centrafrique.
Ashley Tchameni

vendredi 2 mars 2018

Roméo et Juliette… assez !


C’est le titre de l’ouvrage que vient de commettre le metteur en scène et dramaturge Martin Ambara aux éditions Proximité.

La cérémonie de dédicace de se livre se tient le vendredi 09 mars 2018 à 16 heures à OTHNI- Yaoundé sis à Titi Garage, entrée face Fédération de Nambudo. Il est prévu aussi la présentation d’un extrait de la pièce sous la direction d’Ousmane Sali, metteur en scène et comédien.
 Cet ouvrage met en débat la question cruciale d’une esthétique théâtrale africaine, aujourd’hui. N’est-il pas temps de décoloniser, de désoccidentaliser les imaginaires et pratiques théâtrales en Afrique ?


Né le 11 février 1970 à Yaoundé, Martin Ambara est comédien, metteur en scène, conteur et dramaturge. Il est l’auteur de plusieurs textes parmi lesquels « L’Epique des héroïques » et « Les Osiriades S.G.2.1. » Il est aussi le promoteur de OTHNI.

Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) est une tragédie de William Shakespeare. Écrite vers le début de sa carrière entre 1591 et 1595, elle raconte l'histoire de deux jeunes amants dont la mort réconcilie leurs familles ennemies, les Montaigu et les Capulet. La pièce s'inscrit dans une série d'histoires d'amour tragiques remontant à l'Antiquité.
Dans l’histoire du théâtre et du cinéma, cette pièce a été reprise et adapté des millions de fois. L’Afrique n’a pas échappé à ce phénomène. Plusieurs metteurs en scène ont proposé des adaptations de cette pièce. Au cinéma aussi, Roméo et Juliette s’est imposé. Le dernier film connu était « Julie et Roméo » du Burkinabé Boubacar Diallo.

Le livre de Martin Ambara, « Roméo et Juliette… Assez ! », a donc pour but d’interpeller sur l’urgence d’une décolonisation de la pensée, et une esthétique théâtrale africaine propre.

Stéphanie Dongmo

samedi 24 février 2018

Cinéma : Le Brésil se donne à voir à Yaoundé


Reportage à la soirée de lancement de la 3ème édition de la Semaine du cinéma brésilien qui s’est tenue du 7 au 11 février 2018, à l’initiative de l’Ambassade du Brésil au Cameroun et du Cinéma Numérique Ambulant.



Yaoundé, 7 février 2018, 19h. Le jour s’en va timidement en traînant des pieds, poussé à la porte par une nuit impatiente d’avoir trop attendu son départ. A Bastos, à la résidence du Brésil, l’équipe du Cinéma Numérique Ambulant (CNA) pousse un ouf de soulagement, elle qui a choisi d’installer ses activités à la faveur de la nuit. La cérémonie de lancement du Festival du cinéma brésilien peut enfin commencer.

A l’écran, d’abord les bandes annonces des trois films brésiliens de l’édition 2018 : « Central do Brazil » et « Abril despedaçado » de Walter Salles, et « Vida de menina » de Helena Solberg. La piscine projette ses reflets bleus sur l’écran. Assis tout autour, des femmes et des hommes tirés à quatre épingles, rivalisant d’élégance dans leur tenue. Paul Biffot, l’ambassadeur du Gabon par ailleurs doyen du corps diplomatique est là, de même que quelques personnalités. La voix envoûtante de Rose Munjongue, l’animatrice de la soirée, donne envie de rester plus longtemps.

Cela nous conduit aux discours, deux plus précisément. Le premier est prononcé par Mariana Madeira, chargée d’Affaires de l’Ambassade du Brésil au Cameroun. Elle assure l’intérim entre l’ancien ambassadeur aujourd’hui en mission au Japon, Nei Futoro Bittencourt, et le nouvel ambassadeur Vivian San Martin attendu au cours des prochains mois. Elle s’est attardée sur la coopération culturelle entre le Cameroun et le Brésil qui, aujourd’hui, montre un grand potentiel à exploiter : « Il existe quelques similitudes avec le cinéma camerounais que j'ai remarqué, les thématiques basées sur les réalités sociales et une forte influence des télénovelas ».

Stéphanie Dongmo, la présidente du CNA, a remercié l’Ambassade du Brésil au Cameroun pour cette marque de confiance renouvelée : « En soutenant le Cinéma Numérique Ambulant, vous permettez à une organisation culturelle de survivre. Car c’est de cela qu’il s’agit encore malheureusement, de survie, dans un contexte de paupérisation et de grande fragilité des initiatives culturelles. Aucun apport n’est à négliger. Ce soutien nous permet de faire un pas de plus dans la structuration de notre association et la pérennisation de nos activités ».

Après les discours, place au cinéma. Le film d’ouverture, « Central do Brasil » (Brésil central) de Walter Salles nous a amené à la découverte du Brésil profond, sur les traces d’un garçon de neuf ans qui voit sa mère mourir tragiquement et qui se lance à la recherche de son père. Un Brésil pauvre, illettré et croyant à l’extrême, loin des lumières et du carnaval de Rio de Janeiro. Le parcours de ce garçon est non seulement un voyage, mais aussi un cheminement intérieur pour se découvrir, faire la paix avec soi-même pour pouvoir être en paix avec les autres.

Dans les jardins de la résidence, un buffet a été installé. La  caipirinha, cocktail le plus consommé au Brésil et petite star de la soirée, coule à compte-gouttes, il faut s’aligner pour pouvoir accéder au précieux breuvage. Petit à petit, les spectateurs désertent la salle de cinéma en plein air pour s’installer là où on a besoin que de l’odorat et du goûter pour juger d’une œuvre d’art. De petits groupes se forment. Ici, les journalistes culturelles, copines des 400 coups. Là, les amoureux des films d’animation. Le dénominateur commun de ces groupes ? Le verre à la main et les rires stridents, le bar a fait son effet.
Heureusement qu’il y a encore des inconditionnels du cinéma. Eux savourent le film jusqu’à la dernière goutte, jusqu’à la disparition des derniers textes du générique. C’est encore eux après qui commentent le film. Leurs phrases sont pleines de superlatifs. Beaucoup ne jurent plus que par le cinéma brésilien, qui vient de recruter de nouveaux adeptes.  

Ashley Tchameni